Mille coups de fouet pour un blog. Certains n'en ont peut-être pas entendu parler. D'autres ne savent pas qui est Raef Badawi, ce blogueur saoudien condamné à une peine des plus perverses. Une flagellation en place publique, hebdomadaire, à cause d'un blog ! En effet, la peine ayant été jugée trop cruelle pour être infligée à un seul homme en une seule fois, on a décidé de l'alléger. Dans cet élan d'humanité sans pareil, les autorités saoudiennes ont échelonné cette peine sur 20 semaines, à raison de 50 coups hebdomadaires. Une peine qu'il devra subir, tous les vendredis, après la prière, devant une mosquée de la ville de Jeddah. C'est que dans sa grande perversion, la monarchie peut faire preuve d'une clémence sans pareil. Mais qui est ce Raef Badawi ? Pourquoi n'en entend-t-on pas parler ? Ce jeune blogueur saoudien est à l'origine d'un blog militant connu sous le nom du « Liberal Saudi Network » basé sur l'idée qu'on peut échanger librement de politique, de social…et même de religion. Une petite révolution en ligne dans un pays aussi puritain que l'Arabie Saoudite. Ce site anglophone à contenu satirique et irrévérencieux a valu à son créateur le prix de Reporters sans Frontières pour la liberté de la presse en 2014 mais aussi une arrestation en 2012 pour cause « d'informations violant l'ordre public, les valeurs religieuses et morales ». Il a fini par être fermé par les autorités. Derrière les barreaux depuis 2012, Raef est condamné aujourd'hui à dix ans de prison et à un million de riyals d'amende selon Reporters sans frontières qui suit cette affaire de près. Pendant ses dix ans d'emprisonnement, Raef Badawi aura droit à un traitement de faveur. Il pourra, contrairement à la majorité des prisonniers, quitter son lieu d'enfermement, une fois par semaine, pour se faire flageller en place publique. 1000 coups de fouet en tout, pour le grand plaisir des spectateurs qui pourront se délecter de voir que « justice a été rendue » ! Cette semaine, la peine de Raef, prévue hier, a été écourtée à cause de « l'état physique fragile » dans lequel se trouvait le blogueur. Sorti de sa prison hier pour l'application de sa peine, les services médicaux qui l'ont ausculté ont établi que son état ne permettait pas une seconde flagellation. Ses cicatrices n'avaient pas encore parfaitement cicatrisé et il fallait qu'il guérisse complètement du premier coup avant qu'on puisse lui en infliger un deuxième. Il fallait être inhumain pour re-flageller un homme qui n'a pas encore récupéré de ses précédents coups de fouet. L'Arabie Saoudite a scandé « Je suis Charlie » suite à l'attentat meurtrier qui a frappé la rédaction de l'hebdomadaire satirique français le 7 janvier. Lors de la manifestation républicaine à Paris, le 11 du même mois, le pays a été présent parmi les chefs d'Etats. Dans cette même manifestation, des sympathisants ont porté des pancartes sur lesquelles il était inscrit « Je suis Raef Badawi », brandies côté à côté avec les « Je suis Charlie ». On estimait que les deux militaient pour la même cause, que le soutien qui prévalait à Charlie devait également être affiché en faveur de la cause de Badawi. Via l'un de ses dignitaires, de second-rang, l'Arabie Saoudite a formulé un soutien, certes timide, mais un soutien quand même. Le pays a même officiellement déclaré « désapprouver l'attentat lâche et contraire à l'islam perpétré contre Charlie Hebdo ». Il fallait être bien vu par la communauté internationale, mais la gestion des affaires locales est une autre paire de manches. Mais ce qui se passe en Arabie Saoudite suscite aussi l'indignation de l'opinion internationale. Dans plusieurs pays du monde, des citoyens sont sortis manifester leur indignation face à cette peine jugée « inhumaine ». En Tunisie, on appelle à l'organisation d'une manifestation appelant à l'interruption immédiate du châtiment infligé à Raef Badawi, véritable prisonnier d'opinion. Dans cette Arabie Saoudite puritaine et ultraconservatrice, toute atteinte à la police religieuse, à la dynastie des Al-Saoud, des institutions locales et, de l'Islam, est passible des poursuites judiciaires les plus sévères. Pour le plus grand dam des défenseurs des libertés personnelles, des droits de l'Homme et autre superflue liberté d'expression, une nouvelle peine de flagellation en place publique vient d'être instaurée cette année. Une autre des bonnes résolutions de l'année 2015 pour ce pays qui applique les exécutions par dizaines, chaque année, et qui se permet de donner des leçons à d'autres nations. Pour l'heure, on ignore encore si Raef subira ou non celle flagellation hebdomadaire. Il se peut que les autorités décident d'ignorer l'ordre du médecin et de la lui faire subir, à tout moment. Aujourd'hui, cependant, un homme reste emprisonné et risque de mourir à cause d'un coup de fouet en trop. Cet homme est accusé d'avoir, simplement, exprimé des idées contraires à celles qui sont de rigueur dans un pays où sévissent des lois barbares, dignes du moyen-âge. L'inquisition islamique est encore de rigueur, mais elle est certes appliquée dans une totale humanité…