Une délégation non-officielle composée de journalistes et d'activistes tunisiens s'est rendue, il y a une environ une semaine, en Syrie. Un voyage ayant pour but de rétablir les liens de fraternité et de confiance entre la Syrie et la Tunisie, mais également, de redorer l'image du citoyen tunisien. Une image profondément ternie par les milliers de combattants tunisiens qui ont entrainé la Syrie dans un sanglant chaos. De retour à Tunis, Zied El Héni, président de la délégation, nous a fait le récit de ce séjour politico-journalistique à Damas. La rencontre avec le ministre syrien de la Justice, Najem Al-Ahmad, était une étape marquante de ce voyage. Celui-ci avait affirmé, devant l'assistance, que son gouvernement était prêt à fournir toute information utile sur les djihadistes tunisiens. De quoi permettre à la police tunisienne de profiler ces combattants et d'avoir un traçage exhaustif sur leurs activités terroristes en Syrie. « Cependant, le ministre n'a pas caché ses craintes quant à la possibilité que ces données tombent dans des mains mal intentionnées, avançant que l'institution sécuritaire en Tunisie est infiltrée », a ajouté Zied El Héni.
Relatant ce jour de visite au cabinet du ministre, le journaliste nous a confié un incident à la fois choquant et révélateur. Ainsi, dans ce même bureau, la délégation tunisienne avait eu une discussion avec un combattant tunisien emprisonné en Syrie. Le but de cette conversation c'est de savoir s'il avait des remords. L'homme avait purgé une grande partie de sa peine, soit trois ans et 8 mois. Il ne regrette rien. Pis encore, il est même allé jusqu'à menacer Zouheïr El Jiss et Khaoula Sliti, respectivement journalistes à Jawhra Fm et Shems Fm, en leur lançant sur un ton défiant : « Dieu s'en occupera… On verra bien ! ».
Khaled Mahjoub, politique syrien spécialisé dans le terrorisme, confirme cet entêtement prévalent chez les djihadistes tunisiens. Ainsi, fait-il part à Zied El Hani que ces hommes sont les plus rigides qu'il n'ait jamais connu. « Plus on est dur avec eux, plus ils sont résilients », a-t-il constaté. « En 2013, raconte-t-il, j'ai interrogé l'un de ces djihadistes tunisiens : Que feras-tu si on te relâche ? Est-ce que tu rentrerais en Tunisie ? Il a répondu qu'il ne considérait pas encore la Tunisie comme une terre de djihad et que s'il était livré aux autorités tunisiennes, il ferait tout pour revenir en Syrie et me décapiter ». Puis d'ajouter « Les Tunisiens sont les plus durs de toutes les nationalités qui combattent ici. Ces des gens qui ne craignent nullement la mort ».
Un autre exemple aussi édifiant, celui d'un Tunisien qui avait obtenu la grâce du mufti syrien, Ahmed Hassoun. Il a été libéré, puis il a repris les armes avant de se faire tuer dans les combats contre l'armée syrienne. Le retour de ces terroristes en Tunisie ne sera pas facile à gérer sur le plan sécuritaire, ni sur le plan juridique. Cela se posera de manière plus aigüe lorsque la Syrie nous livrera les terroristes qui auront achevé, dans quelques mois, leur peine. « Le problème c'est qu'on ne peut refuser à ces terroristes de rentrer, ni les juger », a fait remarquer Zied El Hani. La Constitution, dans son article 25, interdit de déchoir de sa nationalité tunisienne tout citoyen, de l'exiler, de l'extrader ou de l'empêcher de retourner dans son pays. La loi interdit également la double peine. Si ces terroristes avaient déjà été jugés devant une cour syrienne, la justice tunisienne ne serait autorisée à les juger une deuxième fois.
Ce dont nous avons besoin pour résoudre ces problématiques épineuses, c'est un Etat-major qui dirige la guerre contre le terrorisme, avance le journaliste. « Idéalement ce sera le Conseil de sécurité nationale, présidé par le chef de l'Etat, qui incarne cette mission », a-t-il suggéré. Toutefois, aucune loi ne définit jusqu'à présent les prérogatives de ce conseil. « On en fait une brève mention dans l'article 77 de la Constitution, mais sans plus », a-t-il précisé.
Revenant à son récit de voyage, Zied El Hani nous a assuré que malgré le grand nombre de terroristes tunisiens se trouvant en Syrie et les atrocités commises, le Tunisien reste apprécié à Damas. « Cela se ressent dans les gestes des Damascènes quand ils découvrent que nous sommes Tunisiens […] Un soir, nous étions, en taxi, de retour à l'hôtel, le chauffeur a refusé qu'on le paye. Il nous a offert la course », a-t-il raconté.
Contrairement à ce que certains pouvaient croire, les points militaires ne sont pas la seule cible de l'organisation l'Etat Islamique. Les quartiers résidentiels et les établissements civils sont également dans leur ligne de mire. « Même l'hôtel où nous étions logés n'a pas été épargné. Il y avait eu des bombardements à proximité », a-t-il témoigné.