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Avons-nous raison de craindre pour notre souveraineté ? (2e partie)
Publié dans Business News le 22 - 11 - 2015

*Il s'agit de la deuxième partie de la tribune, dont la première a été publiée, hier, sur Business News.

L'affaire du contrat-conseil entre le gouvernement tunisien et la Banque Lazard :
Contexte général :

A la lumière de ce qui a été dit plus haut, nous pouvons déjà admettre l'impossibilité pour un Etat de garder toutes ses compétences dans l'exercice de sa souveraineté.
La nécessité d'un transfert s'impose, mais ses conséquences sur la préservation de la souveraineté différent complètement selon le statut de l'Etat concerné (Développement, richesse, industrialisation), mais aussi selon « l'acteur extérieur » (Etat, Organisation Internationale ou Entreprise privée).
Dans tous les cas, pour garder sa souveraineté, l'Etat doit toujours s'assurer en cas de transfert, qu'il est capable de rompre l'accord, quitte à subir les conséquences de cette rupture. Et plus l'Etat est en « mauvaise santé », plus il est évident qu'un tel revirement paraît difficile et peu réalisable.

-Ingérence des organisations internationales versus celle des entreprises privées mondiales :

-Les accords avec le FMI contractés par la Tunisie remontent à une trentaine d'années. Après « la révolte du pain » déclenchée par la diminution brutale de la compensation sur les céréales en 84, la possibilité d'une sortie de crise a alors été envisagée grâce au premier accord avec le FMI en 86. Dans les années 90, la Tunisie a ensuite ratifié les accords du GATT, diminuant de façon significative le « protectionnisme » pratiqué jusqu'alors.

Trois décennies plus tard, les « ajustements structurels » et les modifications des tarifs douaniers imposées ont montré leurs limites dans la gestion de la crise. Le développement économique et la réduction du chômage attendus n'ont pas été au rendez vous.

Sans procéder à la moindre analyse rétrospective ni la moindre évaluation de toutes les réformes imposées précédemment par le GATT et par le FMI, un nouvel accord est ratifié avec ce dernier en 2013 dans les coulisses d'un gouvernement dont le chef venait d'annoncer sa démission. Malgré la mobilisation de la société civile et d'une bonne centaine de députés de l'Assemblée constituante, dénonçant l'accord en soit et les conditions « illégales » dans lesquelles il a été ratifié, le pouvoir en place et ceux qui lui ont succédé n'ont pas essayé de renégocier les termes du contrat, s'engageant « toutes voiles dehors » dans des « réformes » imposées, parmi elles le projet de loi sur le partenariat public privé (PPP) récemment adopté.

Pourtant, le refus ou la modification des « ajustements structurels » imposés sont possibles et ont même été bénéfiques à plusieurs pays (La Corée du Sud les a adoptés partiellement, l'Argentine et la Malaisie ont carrément refusé de les appliquer et ont réussi à sortir de la crise en optant pour des ajustements plus adaptés à leur réalité interne).

-Le contrat avec la Banque Lazard, dite « affaire Yacine Brahim », revêt des aspects encore plus alarmants que celui du FMI.

Il est tout d'abord remarquable que les négociations des deux contrats aient eu pour dénominateur commun leur climat de « secrets d'alcôves », toutes deux révélées au grand public grâce à la société civile et à l'opposition parlementaire. Nous sommes donc encore bien loin du respect de la transparence dont se targuent les dirigeants depuis la révolution.

Depuis la divulgation par un député de l'opposition, Mehdi Ben Gharbia, des termes du contrat « proposé » par la banque, le ministre en charge du développement et de l'investissement a multiplié les omissions et les démentis, tentant maladroitement « d'arrêter la polémique ». Mais contrairement à ce qui s'était passé deux ans plus tôt lors de l'accord avec le FMI, la presse écrite et audio-visuelle a rapidement réagi, exerçant une pression salutaire. Le parlement, par le biais du nouveau président de la commission des finances, Iyed Dahméni, a promis de prendre ses responsabilités en prévoyant une « enquête » au sein de la commission des finances. Après quelques jours d'hésitations, le chef du gouvernement a fini par certifier publiquement que l'accord final se résumerait à la promotion des projets désignés par l'Etat.

Transfert de souveraineté dans l'affaire Lazard :

En attendant les résultats de l'enquête parlementaire et la publication des termes du contrat définitif, nous pouvons analyser les conséquences d'un accord du type de celui énoncé dans le procès verbal fuité, s'il venait à être ratifié par le gouvernement, afin d'en délimiter les potentielles ingérences et les risques d'atteinte à la souveraineté nationale, ainsi que les conséquences d'une éventuelle rupture de contrat.

La Banque Lazard est un groupe mondial franco-américain de conseil financier et de gestion d'actifs. Il est réputé pour avoir joué un « rôle majeur dans l'évolution du paysage économique nord-américain et européen ». Il aurait « intervenu » dans les plus grandes crises économiques (crises de 29, 73 et plus récemment celle de 2008) et dans la « crise Grecque », mais les modalités réelles de ses actions ne sont pas totalement connues.

Le groupe Lazard prodigue des conseils à des « clients » (institutions, entreprises, banques, particuliers) mais aussi à des gouvernements sur des questions de stratégie financière, de grandes opérations de restructuration et de savoir faire en levée de capitaux.
Son activité de gestion d'actifs a pour but de produire les meilleurs rendements ajustés au risque et de fournir des solutions de placement personnalisées pour ses clients tout en gérant des actifs pour le compte de clients individuels et de clients institutionnels (sociétés, syndicats, fonds de pension, fondations, sociétés d'assurance, banques).

La « double casquette » de ce groupe laisse prévoir de grands conflits d'intérêts entre les multiples « clients » de la banque.

Quelles conséquences sont à prévoir sur notre souveraineté nationale si le contrat-conseil venait à être ratifié ?

1-Pour commencer, sachant que la Tunisie est encore « désarmée » face au fléau du conflit d'intérêt (quasi absence de textes législatifs sur la question, manque dramatique de transparence dans le domaine des contrats publics et des concessions, principe qui vient d'ailleurs d'être rejeté récemment dans le projet de loi sur le partenariat public privé) et sachant que les contrepouvoirs n'ont pas été totalement mis en place et qu'il faudrait encore un bon nombre d'années pour que les mécanismes de contrôle deviennent efficients, il devient évident que le gouvernement prend un risque démesuré en s'adressant à ce genre d'entreprise privée dans les conditions actuelles.

2-Le contrat-conseil énonce 3 niveaux d'intervention: La structuration du plan de développement de la Tunisie, le diagnostic des projets prioritaires et leur structuration, l'aide à la promotion des projets choisis. Cette « assistance » étant prévue en collaboration étroite avec les ministères et les entités tunisiennes concernées.

Pour « aider » à concevoir une structuration du plan et des projets, la Banque est obligatoirement autorisée à avoir accès à des données essentielles, ce qui est clairement une ingérence dans un domaine dont l'Etat a l'exclusivité.

Selon quels critères le groupe fera-t-il le choix des projets prioritaires ? En sachant qu'il prendra en compte « les risques » pour assurer de bons placements pour ces « clients », il optera légitimement pour les projets revêtant un moindre risque et un maximum de profit pour ces mêmes « clients ». Ces deux « paramètres » ne peuvent pas, de façon évidente, converger avec les intérêts de l'Etat tunisien. En effet, sachant que celui-ci est d'emblée considéré à « haut risque » par les investisseurs selon les critères de sécurité et de paix sociale, cela amènera ces derniers à exiger des closes de contrats très sévères, le risque étant comptabilisé au dépend des bénéfices potentiels de l'Etat, donc au détriment de l'intérêt national.

Comment peut-on donc confier à une institution étrangère privée l'évaluation de notre stratégie de développement en faisant mine d'ignorer que son souci premier dans sa réflexion sera naturellement de préserver les intérêts de ses milliers de clients de part le monde ?

3- Les irrégularités dans les procédures sont nombreuses : Présence de deux représentants du groupe dans nos ministères alors que le contrat n'est pas encore ratifié, négociations en cours sur la teneur des « missions » de la banque alors que le forfait à verser est déjà défini, teneur de l'appel d'offre qui inclut les 3 missions, gestion des litiges potentiels revenant à la justice française.

Il est donc, d'ores et déjà, indéniable que le gouvernement tunisien n'a pas pris les précautions nécessaires pour protéger ses intérêts, ni évalué les conséquences d'une possible « mésentente » ou pire, d'une éventuelle rupture de contrat. En effet, même si le chef du gouvernement nous assure aujourd'hui que « rien n'a encore été signé », il paraît peu crédible qu'un groupe privé de cette « dimension » accepte sans rechigner de renoncer aux promesses concédées « naïvement » sans autre forme de procès.

Autres transferts de souveraineté :

1-Le choix du gouvernement en matière de stratégie économique dans le nouveau code d'investissement (concocté avec l'aide de l'OCDE) s'oriente à priori vers une séparation du cadre réglementaire de l'investissement et de la politique publique (dixit le ministre chargé du portefeuille de l'investissement et du développement). Ainsi, deux « instances » seront crées pour superviser l'investissement en Tunisie, la TIF (autorité tunisienne d'investissement) et la FID (fonds tunisien d'investissement, dont la Banque Lazard se « propose » d'ailleurs d'en piloter la mise en place).

La TIF deviendrait l'interlocuteur unique des investisseurs, se chargeant de l'octroie de subventions, de la proposition de grandes réformes, de la gestion des grands projets.

Le FIT rassemblerait les fonds mis à disposition par l'Etat pour accorder « directement » des primes à l'investisseurs, favoriser des opérations de participation au capital et accorder des garanties au projets.

En résumé, la TIF et le FIT décideraient quoi faire et avec qui, et l'Etat s'exécuterait en pourvoyant les finances…

Inutile de se demander qui fera la politique économique du pays, puisque qu'après l'interdiction de toute interférence des parlementaires dans les décisions budgétaires du gouvernement (article 62 et 63 de la constitution), ce dernier projette de s'exclure lui-même de la direction des réformes du développement, transférant sa souveraineté à des « instances » dont on peut prévoir l'opacité du fonctionnement et des intérêts.

2-Le recours à la finance islamique exige, comme précisé plus haut, un transfert de compétence de la part de l'Etat. A l'instar des décisions du gouvernement précédemment citées, la même impression de précipitation se dégage dans « l'affaire du stade de Radès ». En effet, nous nous retrouvons en train de planifier la cession temporaire d'un bien de l'Etat en contrepartie du financement d'une partie du budget destiné à « la consommation ». Même si les optimistes clament à qui veux les entendre « que la Tunisie a toujours payé ses dettes », ces mêmes personnes ne peuvent nier la gravité exceptionnelle de notre situation économique. Le non remboursement du millier de milliards emprunté n'est donc pas inenvisageable, ce qui aurait pour conséquence la cession définitive de ce patrimoine étatique, ce qui serait équivalent à un transfert de souveraineté de l'Etat.

Le recours à la finance islamique est une option à envisager dans le contexte international actuel, mais il devrait se faire en connaissance de cause et en terrain correctement balisé (lois et règlementations adaptées, choix de Sukuks plus avantageux pour l'Etat). L'emploi des sommes obtenues devrait concerner un projet de développement et non les dépenses publiques, ce type de crédits étant habituellement conditionné par l'aspect rentable du projet à financer.

Conclusion :

La Tunisie « évolue » progressivement depuis la fin des années 80 vers une libéralisation de son économie sans se pourvoir des « gardes fous » nécessaires pour protéger son développement. « L'Etat providence » des années 60 se mue rapidement sous l'effet des différentes influences et pressions en « Etat gendarme » n'exerçant sa souveraineté que sur les fonctions régaliennes, et se “déchargeant” progressivement du volet socio-économique. Cette mutation est plébiscitée par de nombreux experts et politiciens de tous genres, qui brandissent comme exemples et avec exaltation « les réussites » enregistrées par les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, oubliant que ces dernières sont des nations puissantes bénéficiant d'un statut qui les protège des ingérences, statut que la Tunisie n'a évidemment pas et qui l'expose de plein fouet à la tourmente du libre-échange et de la mondialisation.

Le pouvoir actuel, à l'instar de ceux qui l'on précédé, « met la charrue avant les bœufs » en matière de contrôle. Il multiplie les instances à chaque projet de loi (code d'investissement, partenariat public privé, lois sur l'énergie renouvelable), ne prévoyant rien sur la transparence de leur fonctionnement, sur leur indépendance, sur leurs prérogatives et leurs éventuels chevauchements et encore moins sur l'harmonisation de leurs visions.

Pourtant, un cadre légal pour superviser la stratégie économique est prévu dans la Constitution. La mise en place des deux instances constitutionnelles concernées (celle du développement durable et des droits des générations futures- article 129, et celle de la lutte contre la corruption et de la bonne gouvernance-article 130) aurait du devancer toutes ces « réformes économiques », si le pouvoir avait réellement pour objectif la « révolution économique » dont il se targue d'être l'initiateur.

Finalement, le gouvernement et le parlement, trop timorés pour faire face aux fléaux du « marché parallèle » et de la corruption qui gangrènent notre économie et à la complexité paralysante de nos procédures administratives, ont choisi de se jeter aveuglément dans des accords hasardeux, mettant en péril de façon difficilement réversible notre souveraineté nationale.

« La souveraineté n'est pas un acquis, il ne faut pas la lâcher »
Pr. Duquenne, Toulouse.

*Ancienne députée d'Al Massar à l'Assemblée nationale constituante.


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