Rien ne va plus pour le gouvernement. La note d'orientation 2016-2020 de finances met à nu le manque d'imagination politique. Et surtout l'absence d'une vision de développement économique et social Des objectifs initiaux du gouvernement Habib Essid, il ne reste que la gestion des affaires courantes et le recours au prêt-à-porter des pseudo-recettes monétaristes. La loi de finances ne se distingue guère par quelque projet d'envergure. On attend toujours les dix grands projets structurants annoncés par Habib Essid lors de son investiture. Idem du plan de développement économique et social. Et qu'apprend-on entre-temps ? Slim Chaker, ministre des Finances, annonce l'hypothèque, à l'étranger, du stade de Radès en vertu des soukouks islamiques. De son côté, le député Mehdi Ben Gharbia a mis au jour les termes ignominieux d'un contrat qu'aurait signé le ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, Yassine Brahim, avec une institution étrangère pour un montant de 500.000 euros, soit un peu plus d'un million de dinars. Il y est stipulé notamment que «la République tunisienne souhaite confier à la Banque française privée Lazard la mission de l'assister en qualité de conseiller stratégique et financier dans l'élaboration du document du plan de développement, ainsi que dans la sélection et la structuration des programmes phares et leur promotion auprès des investisseurs». On croit rêver. Le gouvernement, incapable de mettre en place une réforme globale, s'en remet aux vieilles recettes de l'école monétariste, le modus operandi favori du FMI et de la Banque mondiale. Autrement, il jette la Tunisie en pâture aux vautours de la haute finance internationale. Pour les Tunisiens, c'est un choc terrible. Et il y a de quoi. De tout temps, la déliquescence et la mise au pas de pays sont allés de pair avec le surendettement extérieur et le recours subséquent à la pression fiscale intérieure. Durant la vingtaine d'années qui avaient précédé l'établissement du colonialisme français dans notre pays, en 1881, tel fut le cas. Aujourd'hui, les gens perdent confiance et sont fourvoyés. Ils ne croient plus en rien. Ils ont l'impression d'avoir été floués. Les promesses électorales sont demeurées lettre morte. Et les conditions de vie empirent à vue d'œil. Chômage persistant, renchérissement des denrées de base, insécurité rampante, terrorisme endémique... En même temps que la pauvreté sur les étals des marchés, le gouvernement étale son impuissance à imaginer un modèle de développement équilibré et porteur. Et, surtout, non extraverti ou ouvrant la voie au bradage de la souveraineté des institutions et à la dilapidation des ressources nationales. Il y a peu, la présidence de la République avait annoncé le projet de réconciliation économique et financière. Mal ficelé au niveau de la communication et de l'exposé des motifs, le projet est mis en sourdine. Maintenant, c'est pire. Le tâtonnement et les desseins non avoués l'emportent. Il faut bien que Habib Essid redresse la barre et renverse la vapeur. Autrement, le projet de budget de l'Etat pour l'exercice 2016 risque bien de devenir le fossoyeur de son gouvernement. Ajoutons-y la guerre des clans et des coteries au sein de Nida Tounès, le principal parti de la majorité gouvernementale, et l'on comprend l'étendue du désastre. Dans tous les cas de figure, comme nous l'annoncions sur ces mêmes colonnes il y a peu, une adresse à la nation s'impose. Il faut bannir toute velléité de compromission de la souveraineté nationale à travers des contrats douteux, voire odieux. Habib Essid est à la croisée des chemins. Ça passe ou ça casse. Et les perspectives ne sont guère prometteuses. Il est des moments où l'on doit tenir compte des faits et les faits sont têtus.