Dans certains médias et de la part de ses détracteurs, Saïd Aïdi essuie un important flot de critiques. A l'origine, un secteur de la santé en crise, des médecins mécontents et des hôpitaux régionaux laissés pour compte. Mais cette campagne de dénigrement trouve également son explication dans les motivations politiques de ses instigateurs. Pointés du doigt : la gestion du ministre, mais aussi son appartenance à un pouvoir en place fort critiqué. « Les problématiques du secteur de la santé se sont accumulées depuis 10 ans, mais nous avons accepté la responsabilité. Nous avons retroussé nos manches et avons travaillé matin et soir avec un programme pour réformer le système en profondeur […] nous avons commencé à entreprendre ces réformes mais le chemin reste long et épineux. Ceci ne nous découragera pas car les obstacles demeurent les dysfonctionnements des institutions et de l'administration, le manque de discipline et la corruption galopante. Nous savons que l'ouverture de ces dossiers engendrera un feu de critiques de la part des détracteurs de ces réformes, mais nous sommes aux aguets », écrit Saïd Aïdi sur sa page Facebook, dans un post datant du 26 décembre. La gestion du ministère de la Santé par Saïd Aïdi a été sous le feu des critiques depuis les deux décès qui se sont succédé à l'hôpital régional de Tataouine la semaine dernière. Deux jeunes femmes enceintes qui ont perdu la vie faute de médecins spécialistes pour les prendre en charge. Il s'agirait du 5ème cas dans la région. Ce drame a vite fait de raviver les critiques acerbes des détracteurs de la gestion jugée « un peu trop spéciale » du ministre. En effet, aux yeux de ses détracteurs, Saïd Aïdi est accusé d'avoir « failli dans sa mission de réformer un secteur en crise ».
En réalité, le secteur de la santé est en crise depuis plusieurs décennies. Le secteur est « malade » selon les déclarations de Samar Samoud, conseillère du ministre. Intervenant sur El Hiwar Ettounsi, suite à la polémique suscitée par les deux récents décès à Tataouine, la conseillère a affirmé qu'il fallait « plus de temps pour réformer ce secteur en proie à plusieurs dysfonctionnements ». Elle ajoute que le ministre, « s'il n'est pas le seul à blâmer […] assume entièrement sa responsabilité dans ce qui s'est passé ». Derrière la polémique, un manque flagrant de médecins spécialistes, de personnel médical et d'équipement et infrastructure adéquats. Surtout dans des hôpitaux régionaux qui ne disposent pas des moyens nécessaires pour prendre en charge certains patients. Mais tout cela ne date pas d'hier. En effet, des disparités régionales indéniables font que les médecins spécialistes boycottent les hôpitaux des villes intérieures et refusent d'y exercer et ce, malgré les incitations mises en place en leur faveur. Un fonds spécial est prévu par la loi de Finances 2016 pour les médecins spécialistes qui s'installeront dans les régions intérieures et le ministère annonce avoir obtenu l'aval pour les 26 MDT de primes, qui seront alloués aux médecins qui se déplacent dans les régions. Cependant, selon le secrétaire régional de la Santé à Tataouine, Ahmed Fileli, malgré ces incitations « la loi actuelle n'oblige pas les médecins à exercer dans les régions ». Intervenant sur Shems Fm, M. Fileli ajoute qu'un concours a été lancé visant le recrutement de médecins spécialistes, sauf « qu'aucune candidature n'a été présentée à l'heure actuelle ». Les dispositions mises en place n'ont, en effet, pas réussi à faire bouger les choses face à la réticence des spécialistes.
Cependant, face aux problématiques qui découlent de ce blocage, l'actuel ministre de la Santé essuie, seul, le flot des critiques. On lui reproche de ne pas avoir pu faire bouger les choses rapidement. S'ajoute à la polémique, une gestion du personnel du ministère qui ne plait pas à tous. En effet, des cadres limogés tirent à boulets rouges sur Saïd Aïdi qu'ils accusent de « limogeage abusif ». Après Néjib Karoui, ancien chef du service des urgences de l'hôpital Sahloul, limogé en juin dernier, c'est au tour de Aref Azizi de se placer en victime des pratiques « dictatoriales » du ministre. On rappellera que Néjib Karoui a été limogé par Saïd Aïdi en juin dernier, pour son refus de mobiliser les ambulances du SAMU après l'attentat de Sousse à l'Imperial Marhaba. Dans le licenciement de Azizi, on accuse aujourd'hui Said Aïdi d'avoir agi « sous le coup de la colère […] insupporté par les critiques émises contre lui » par le principal intéressé lors d'une visite à Sidi Bouzid la semaine dernière.
S'exprimant sur Nessma TV, vendredi 25 décembre, le médecin limogé a essayé de s'attirer la sympathie de l'opinion publique en affirmant n'avoir été coupable que de « critiques des conditions déplorables constatées au sein de l'hôpital régional de Sidi Bouzid ». A l'occasion de cette visite, le médecin Aref Azizi, déclare avoir dit à l'adresse du ministre que « son déplacement ne servait à rien » et qu'il fallait « des actions concrètes pour améliorer la situation dans l'hôpital et dans la région, pour une meilleure prise en charge des patients ».
Des critiques qui tombent à point nommé, vue la polémique actuelle. L'association «Médecins contre la dictature» va même jusqu'à déclarer, sur la chaîne illégale Zitouna Tv, que « Saïd Aïdi est l'un des plus dangereux ministres de la Santé depuis l'indépendance » et ce, selon les propos de Dhaferallah Chefîi, son porte-parole. Une émission entière a été consacrée à mettre à terre le ministre à laquelle étaient, notamment, invités Néjib Karoui et Aref Azizi. Ce dernier, qu'on présente aujourd'hui comme un militant, est en réalité connu pour être un personnage controversé, politisé et qui ne cache pas son animosité au pouvoir en place qualifié de « RCDiste ». En effet, dans des posts Facebook incendiaires, le médecin limogé n'hésite pas à recourir à un langage violent menaçant Béji Caïd Essebsi et appelant à la « vengeance » et à « l'effusion de sang » contre les « ennemis des révolutionnaires ».
Sur la toile, les critiques fusent également. Du côté des pages islamistes et de ceux se proclamant contre le pouvoir en place, une véritable campagne de dénigrement est orchestrée contre l'actuel ministre de la Santé. On s'éloigne du fond du sujet en omettant de se focaliser sur la gestion d'un ministère en crise, qui aura besoin de plusieurs années de réformes pour se relever, pour voir la grande majorité des critiques dirigées contre un ministre qualifié de « bourgeois » et d'appartenance au « clan RCDiste » [ndlr : Nidaa Tounes]…