L'affaire de la mort de Jilani Daboussi refait surface et suscite, de nouveau, la polémique. De nouvelles accusations ont, en effet, été étayées par d'autres, lancées par le fils du défunt, Sami Daboussi, à l'encontre des anciens ministres de la Justice, Noureddine Bhiri, et de la Santé, Abdellatif Mekki. Deux barons du parti islamiste Ennahdha. Qualifiant la mort de son père de « crime d'Etat », Sami Daboussi a réitéré, dans une déclaration accordée à Business News le 21 mars 2016, les accusations lancées il y a déjà plus d'un an. « Parce qu'il a refusé un racket de 50.000 dinars, Jilani Daboussi est mort lentement en prison », assurait son fils il y a plus d'un an. Il s'agit d'un vrai rebondissement dans la mesure où le fils de l'ancien maire de Tabarka affirme être en possession d'un enregistrement sonore impliquant l'ancien ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, et plusieurs autres responsables dans le gouvernement de la Troïka.
« Il y a presque un an, j'ai déposé une plainte internationale en France. C'est un crime d'Etat, mon père a été détenu d'une manière illégale bien que la cour de cassation ait confirmé son innocence », nous indique le fils du défunt. Et d'ajouter, qu'il a présenté à la justice française un enregistrement audio, qui affirme que Noureddine Bhiri aurait demandé la falsification du rapport médical de Jilani Daboussi.
« Malgré les multiples requêtes des autorités judiciaires françaises, leurs homologues tunisiennes n'ont fait preuve d'aucune coopération à ce sujet » a ajouté Sami Daboussi en précisant qu'il existe, pourtant, un protocole de coopération bilatérale entre les deux pays au niveau des ministères, « qui n'a pas été respecté, même par le gouvernement actuel ». Et d'enchaîner, qu'il existe, selon lui, « une réelle volonté pour étouffer cette affaire », assurant que les choses vont s'accélérer et qu'il y aura, selon ses propres termes, un mandat d'arrêt international contre les personnes impliquées dans l'affaire de son père. «Ils se surestiment et me sous-estiment…», avait il conclu sur un ton sévère et dans une mise en garde sans équivoque. A ces accusations directes et aux preuves qu'il affirme détenir, des preuves confirmées à l'époque, par le cadre sécuritaire, Habib Rachdi, l'ex-ministre de la Justice continue à opposer un mutisme total. C'est l'ancien ministre de la Santé et cadre dirigeant d'Ennahdha, Abdelatif Mekki qui s'est chargé de répondre.
En effet, le député et dirigeant au mouvement Ennahdha, Abdellatif Mekki, est revenu, le 25 mars 2016, sur les ondes de la Radio nationale, sur cette affaire et sur les accusations lancées par le fils de Jilani Daboussi, pour affirmer que les médecins « ont fait leur travail sans l'influence de personne » et que « le ministère de la Justice n'est nullement intervenu et d'aucune manière dans le rapport médical du défunt ». M. Mekki a estimé que Sami Daboussi « essaie de nous intimider en brandissant la nationalité française de son père afin de ternir l'image de la Troïka et d'Ennahdha en particulier » et dans l'espoir de « soutirer deux sous ».
Le dirigeant d'Ennahdha a appelé Sami Daboussi à révéler publiquement l'enregistrement de Noureddine Bhiri qu'il prétend détenir, l'accusant de comploter avec une « police politique » qui lui aurait fourni de telles preuves « surement montées »… Ainsi, M. Mekki, tout en lançant un défi au fils du défunt de rendre public ledit enregistrement, n'en nie pas totalement l'existence, puisque le document aurait été déjà remis aux autorités judiciaires françaises. Il anticipe, toutefois, en présumant qu'il s'agit d'un faux document. Et à Abdellatif Mekki de conclure que ce dossier est « nourri de la machine de propagande de Ben Ali dont le but est de détruire tous les acquis de la révolution. Mais elle n'y arrivera pas ! dit-il, même si nous devions ramper à genoux, cette machine ne fera pas revenir le pays en arrière ».
Rappelons que Jilani Daboussi est décédé à l'âge de 67 ans après une longue maladie. Il était détenu depuis le mois d'octobre 2011 jusqu'au 7 mai 2014, mais il n'a pas été condamné, bien que la détention préventive ne doit pas dépasser les 14 mois légalement. Or sa détention s'est étalée durant 30 mois sans accusation avérée et sans procès. « C'est en prison qu'il a été atteint d'insuffisance rénale avec nécessité de dialyse », rappelle son fils qui évoque le jour du décès de son père. Il est mort suite à une crise cardiaque, après « trente mois de détention arbitraire et d'harcèlement politico-juridico-mafieux », accuse encore Sami Daboussi. « Il aurait, sûrement survécu s'il avait accepté de payer cinquante mille dinars à un avocat », ajoute t-il, avant d'adresser des critiques même envers le gouvernement de Mehdi Jomâa qui était chef du gouvernement en mai 2014 lors du décès de Jilani Daboussi. En effet, le sachant mourant, selon les dires de son fils, « les responsables de la prison l'ont libéré la veille de sa mort, tard dans la nuit, pour s'en laver les mains et se dégager de toute responsabilité ».
Comme on le constate, d'un rebondissement à un autre, l'affaire Daboussi a fini par être internationalisée et est désormais du ressort des tribunaux français. Mais ces derniers pourront-ils faire bouger les choses ? Les présumés accusés et autres personnes citées, dont notamment Noureddine Bhiri et Abdellatif Mekki, seront-ils contraints de se présenter devant la justice française ?
En attendant de voir ce que prévoient les éventuelles conventions entre les deux pays, il est peu probable de voir ces derniers comparaître en France. Il ne faut pas oublier, en effet, les deux nahdhaouis sont des élus au sein de l'Assemblée des représentants du peuple, donc bénéficiant de l'immunité parlementaire.
C'est dire qu'il s'agit d'un véritable casse-tête chinois qui devra être démêlé par les juridictions, aussi bien tunisiennes que françaises. Bien entendu, au cas où le procès est engagé. Les observateurs assurant qu'ils voient très mal deux barons d'Ennahdha, du calibre des ex-ministres de la Justice et de la Santé, accepter de gaieté de cœur de répondre présents à un pareil appel de la justice. Et puis, jusqu'à présent, on n'a jamais vu un député admettre sa traduction devant la justice. Que dire alors pour le cas d'espèce !...