Il aura suffit d'une petite émission de télévision, d'une petite caméra cachée pour déclencher l'ébullition des « cerveaux » de ce beau pays. Moez Ben Gharbia et ses équipes ont réussi le pari de faire parler d'eux et de susciter le buzz autour de leur création : des journalistes et des politiciens sur un plateau télé et on leur fait croire que l'ancien président Ben Ali les appelle par Skype. Deux épisodes ont suffi à dévoiler des puits insondables d'intelligence et de pertinence que l'on ne soupçonnait pas chez certains politiques et certains analystes- journalistes. Ainsi, plusieurs d'entre eux ont réussi à mettre à jour l'objectif caché de cette caméra cachée : normaliser avec Ben Ali et le rendre sympathique aux yeux de la population ! Bon sang mais c'est bien sûr ! Heureusement que les « intelligents » sont là pour nous alerter parce que sinon, la population commencerait à se dire : « c'était mieux avant ! ». Ouf ! On l'a échappé belle.
Bien sûr, ceux qui ont mis à jour ce plan diabolique, partent du postulat selon lequel la population est faite de débiles et qu'elle risque d'apprécier Ben Ali parce qu'il est la « star » d'une caméra cachée qui passe à la télé un mois par an. Evidemment, eux ils sont intelligents et ils éclairent la populace de leur lumière. Ce sont les premiers qui se mettent devant leur télévision pour regarder minutieusement chaque épisode. Ensuite, ils mettent leurs capes de « révolutionnaires » qui ont suivi les événements sur Al Jazeera et viennent nous engloutir par leurs analyses à deux balles et par leurs lieux communs dégueulasses.
Un pan de plus en plus large de la population regrette Ben Ali, c'est une vérité. Mais ce n'est pas parce qu'il est devenu sympathique en étant imité à la télévision. L'époque Ben Ali est regrettée parce qu'elle était, objectivement, plus sûre, meilleure sur le plan économique et pour plusieurs autres raisons. Aujourd'hui, cette population a subi cinq ans d'incompétence à tous les niveaux. Pendant que les « analystes » d'aujourd'hui faisaient l'éloge de Montplaisir ou de Carthage ou des Berges du Lac, et il y en a qui ont fait les trois ! Pendant que les enfants des pauvres se battent sur les hauteurs de Tunisie, les analystes léchaient les bottes de ceux qui nous expliquaient que c'était des sportifs.
D'un autre côté, cette caméra cachée aura permis de dévoiler un autre pan de l'histoire. Les gens « intelligents » dont je parle plus haut ont aussi leurs représentants parmi les personnes piégées par cette émission. Presque tous ont gobé la supercherie selon laquelle Ben Ali appellerait sur Skype pour intervenir sur un plateau télé. En soi, cela dénote d'une grande ignorance et d'une crédulité inquiétante. Mais cela ne les empêche pas, plus tard, de continuer à donner des leçons sur tout et n'importe quoi, surtout sur n'importe quoi.
Pendant que les gens sont empêtrés dans un quotidien de plus en plus dur, les divas des réseaux sociaux se triturent le cerveau pour pondre de pseudo-analyses sur le « danger » de voir Ben Ali rendu sympathique aux yeux du peuple. Pendant ce temps, les gens disent : « la meilleure publicité pour Ben Ali, c'est vous ! ».