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La censure, d'un extrême à l'autre
«Persetunis»
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 10 - 2011

Après avoir été uni pour le meilleur et pour le pire le jour «J» et les jours qui ont suivi la révolution, le peuple tunisien est en train de se désunir, peut-être à cause d'une nouvelle phobie : la peur, et même la panique, d'une nouvelle dictature. Cette peur se transforme en rébellion. Pour avoir été longtemps soumis, on finit par se mettre en position d'attaque. Chacun focalise sur sa propre vision du monde. Jugements de valeur et jugements tout court. Violence physique et verbale. On fait ce qu'on peut pour sauver la face ou pour se frayer une place dans le paysage politique, désormais vierge, d'autres font ce qu'ils peuvent pour sortir de ce système dans lequel on les a coincés durant plusieurs années.
Retour à la case départ ou période de doute nécessaire? Que sommes-nous en train de vivre au juste? Ce qui est sûr, c'est que nous vivons une phase de transition. Mais vers quoi ?
Les optimistes disent que nous allons vers la démocratie, et les pessimistes disent que nous sommes «condamnés» à l'espoir. Entre-temps, le peuple se rebelle. Ça gueule, ça vole, ça squatte, ça menace et ça passe aux mains. Par ailleurs, ça crée, ça manifeste, ça nettoie devant sa porte, ça rêve, ça se positionne et ça met en place des stratégies. Pour défendre leurs croyances (dans le sens autoréférences), leurs bouchées de pain, leur parole, leurs acquis, les Tunisiens semblent être prêts à tout. Certains sont prêts à mourir, mais nous craignons que d'autres ne soient prêts à tuer.
Ce qui s'est passé, suite à la projection sur Nessma TV de «Persepolis», le film d'animation franco-iranien, est assez symptomatique. La séquence où la petite Marjane se met en colère contre Dieu, illustré en être humain avec une barbe qui renvoie à la sagesse, a choqué un bon nombre de gens, même ceux qui n'ont pas du tout vu le film. Les commentaires indignés ont fusé de partout… les pierres aussi. Des menaces planent depuis sur «Nessma» et sur ses employés. Malgré les excuses publiques du directeur qui plaide non coupable, livrant le responsable du visionnage en bouc émissaire, des gens sont passés à l'acte, brûlant et saccageant et nous croyons savoir que le standard de la chaîne a littéralement explosé de coups de fil encore menaçants.
Pourtant ce film a déjà été projeté dans les salles pendant l'une des dernières éditions des JCC (Journées cinématographiques de Carthage) et cela n'a suscité aucune réaction particulière. Qu'est-ce qui fait que ce film choque aujourd'hui à ce point ? Qui ne s'est pas représenté «Dieu» dans sa tête d'enfant ? Faut-il condamner tous les petits qui s'inventent un ami imaginaire auquel ils se confient et avec lequel ils expriment leurs joies et colères ? Peut-on en vouloir aux adultes qui s'adressent, à leur tour, à Dieu pour lui demander pourquoi il leur a pris un être cher, tué par une balle perdue lors d'une révolution, ou mort dans un accident de voiture, bête et méchant ? Qui n'a pas douté de l'existence de Dieu à un moment ou un autre de sa vie ? L'Imam Ghazali lui-même l'a fait et dit. Et puis ceux qui ne croient pas à son existence, qui a le droit de les juger ?
C'est à croire que la censure est passée d'un extrême à l'autre. Du temps pas très lointain de Ben Ali, la chaîne nationale, surtout, coupait toutes les images qui, selon ses décideurs, pouvaient être en porte-à-faux avec quelque chose que le gouvernement ne tolérait pas. Une scène comme celle de «Persepolis» aurait été automatiquement "disparu". Pas par respect des croyances et des valeurs des musulmans, mais purement par souci politique. Il ne fallait pas donner aux ennemis du chef de l'Etat et de ses couvre-chefs l'occasion de réagir «en légitime défense». La paranoïa du gouvernement déchu allait, d'un autre côté, jusqu'à censurer toutes les images où paraissait une femme voilée, quitte à sacrifier tout un épisode d'un feuilleton, étranger de surcroît.
En parlant encore de fiction, à une certaine époque, le fameux discours de Jamel Abdennasser, où il annonçait sa démission, était interdit d'antenne. La danse du ventre aussi et tous les baisers du cinéma arabe. Ne parlons pas des pièces de théâtre tunisiennes totalement disparues des rayons de la filmothèque, parce qu'elles privilégiaient l'expression du corps au texte. La liste des interdits était longue, et elle dépendait également de la mentalité de ceux qui avaient des postes clés dans les départements de la programmation.
Mis à part la fiction, la censure s'exerçait également, rappelons-le, sur des personnes jugées opposantes au régime, telles que les femmes démocrates qui n'avaient pas droit de cité sur la chaîne nationale et dans tous les autres médias de la presse écrite ou audiovisuelle, publics et privés. Ben Ali et ses conseillers savaient à quel point la télévision peut constituer une arme à double tranchant. Ils l'ont utilisée pour distraire les Tunisiens de leurs préoccupations fondamentales et ils ont, apparemment, réussi. Tout comme ils ont utilisé les festivals, le foot, le mouton de l'Aïd, vendu à crédit. Idem pour les voitures dites populaires.
Par le caractère intimiste de l'objet lui-même, la télévision accède au cœur de la vie des gens, au sein même de leur quotidien et de leur environnement familier. On a profité de la proximité de cette boîte noire pour nous laver les cerveaux, pour nous ancrer l'image d'un pays qui n'est pas le nôtre, où il n'y a ni injustice, ni opposants, ni femmes voilées, ni pauvreté, ni SDF, ni chômage. Un pays où il ne se passe rien, ni crimes, ni inceste, ni pédophilie, ni femmes battues. «La Tunisie est un pays où il fait bon vivre», tel était son slogan, amèrement amusant. Et la capitale n'a jamais autant chanté et dansé que durant ces 23 années. Tout était prétexte à la fête, jusqu'à ce que le mot «fête» n'ait plus eu de sens.
Après le 14 janvier, on dirait que le rideau est déchiré. Toutes «les Tunisies» sont sorties de leurs trous. Elles s'affichent désormais partout. Il y a la riche et la pauvre. La bourgeoise et la prolétaire. La régionaliste. L'extrémiste. La démocrate. La modérée. L'opportuniste. La silencieuse. La rebelle. La révoltée. La criminelle. L'anarchique. L'instruite. L'ignorante. La créative. La violente. L'arrogante…
A quelle Tunisie une télé doit-elle s'adresser ? A celle qui porte le «niqab» ou le «piercing» ? A celle qui propose le «sefsari» en alternative, ou à celle qui n'a rien à cacher et rien à démontrer ? A celle qui a choisi de mettre sa beauté «antérieure» en évidence… peut -être ?
A moins qu'un média ne veuille se prendre pour un caméléon. Chose à laquelle on est bel et bien rodés. On croit connaître ce pays qu'on prend pour un singleton, alors qu'il est plusieurs. Sera-t-il toujours ainsi, ou changera-t-il lorsqu'il verra plus clair à l'horizon ? En tout cas, le rapport au changement a l'air d'être principalement émotionnel.
Dans ce cas, faut-il que la télévision reprenne les ciseaux ? Ça se discute.


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