Les couacs et bourdes en matière de communication gouvernementale se suivent et se ressemblent souvent: des photos pour le moins gênantes, des rétropédalages et des ratages en matière de publication... Il y a aujourd'hui lieu de se poser des question sur ceux qui gérent la communication des ministres tunisiens et les raisons derrière un tel cafouillage. La communication politique peut être définie comme l'ensemble des stratégies, des techniques et des outils de communication mis en œuvre dans le champ politique afin d'accéder au pouvoir ou de le conserver. En Tunisie, la communication en politique en est encore à ses premiers pas. Elle est surtout et pour une fois, adressée à un électeur qui a fait son choix par les urnes et qui, aux aguets, surveille de près le travail de ceux qu'il a élu.
Néanmoins force est de constater, que les couacs en la matière, nous amènent à nous poser de sérieuses questions sur les compétences de ces soldats de l'ombre qui font et défont les réputations et dont le rôle premier est de « vendre » leur candidat et surtout son travail. Les pages de nos ministères regorgent de petites anecdotes qui prouvent que les équipes de communication ont peut être des talents, certes, mais certainement pas dans leur domaine.
Nous nous rappellerons de la fameuse photo d'une interview du chef du gouvernement Habib Essid, avec devant lui une table calée avec des livres, image culte qui en dit long sur la relation du pays avec la culture, ou encore le ministre de l'Equipement, qui décore son bureau comme il fait chez lui, avec ses photos partout… les ultimes incidents de ce genre ont eu lieu ces derniers jours et ont suscité une belle polémique.
En effet, en visite pour un iftar collectif, qui a réuni des détenus, des fonctionnaires et des cadres de la prison civile de Mahdia, le ministre de la Justice, Omar Mansour, a été pris en photo dans la cour de la prison avec pour décor, au-dessus de la table qui réunissait vraisemblablement des cadres du ministère et de la prison, des prisonniers entassés dans des fenêtres barrées tels des animaux en cage. Cette photo, à la fois choquante et déroutante, postée par le service de communication du ministère et sur sa page officielle, a suscité un tollé de réactions, tant elle touchait à la dignité humaine. Ceci a contraint le ministère à supprimer la photo et à expliquer qu'il s'agissait d'un spectacle organisé dans la cour de la prison auquel ont assisté les prisonniers et que « vu l'exiguïté de l'espace certains prisonniers n'ont pu assister au spectacle sur place ». Il n'en reste pas moins que la publication de la photo des détenus sous un pareil angle, est une flagrante erreur de communication.
Quelques jours plus tard, les ministres de l'Intérieur, Hédi Majdoub et des Affaires sociales, Mahmoud Ben Romdhane ont publié des images et des vidéos de leurs visites à des centres hospitaliers pour enfants, à l'occasion de la célébration de la Nuit du Destin. Des enfants appartenant à des familles nécessiteuses et ont été circoncis à l'occasion, en respect de la tradition. Et les services de com des ministères ont évidemment relayé la visite, en images et vidéos non floutées, publiées sur les pages officielles des ministères et montrant les ministres en train de présenter des cadeaux à ces enfants circoncis, dans des conditions fort embarrassantes, aussi bien à cause de leur état de santé, que de leur situation sociale de précarité. Il faut savoir que la loi tunisienne et les conventions internationales interdisent déjà de publier les images d'enfants, sans autorisation parentale, quel que soit l'état dans lequel ils se trouvent. Ces publications sont une atteinte flagrante à la dignité de l'enfant. Le fait que ces enfants soient dans une double situation fragile ne fait qu'aggraver cette faute monumentale de communication où la violation du droit de l'enfant est on ne peut plus claire.
En 24 heures, quatre fautes flagrantes des services de communication de départements ministériels, ont ainsi été recensées dont celle de la présidence du gouvernement qui n'a cessé de démentir la nouvelle de l'hospitalisation d'Habib Essid, pourtant annoncée par des médias crédibles, avant de l'avouer dans l'après-midi même. Plus récemment, c'est le ministre du Commerce, Mohsen Hassan, qui a été pris en photo tout sourires, vantant l'artisanat et la production locale, devant des produits de contrefaçon (polos Ralph Loren et Lacoste) à Monastir. Lui qui est censé mener la guerre contre la contrebande et qui d'ailleurs a affiché une position plutôt ambigüe sur la question.
Ce 5 juillet 2016, veille de l'Aid El Fitr, annoncé hier par le Mufti, c'est au tour de celui-ci d'être rappelé à l'ordre par le syndicat national des chargés de l'information et de la communication publique, qui a publié un communiqué dans lequel il dénonce la politique de communication du Mufti de la République qu'il qualifie de « décevante » lors de son annonce de l'Aïd. Le syndicat a, par ailleurs, dénoncé la présence d'enfants qui chahutaient derrière le Mufti alors qu'il s'adressait aux Tunisiens. Il a expliqué qu'une telle image est indigne d'un moment aussi solennel et protocolaire ni de la symbolique du Mufti lui-même ou de son message.
Ainsi donc, l'amateurisme des services de communication de nos ministères fera encore plus parler d'eux que leurs actions. Alors que le pays abonde de jeunes compétences en la matière, il est peut être grand temps d'appliquer ce que l'on prêche et de donner sa chance à ce potentiel trop longtemps ignoré. Peut être verrons nous, à défaut de résultats réels, au moins une belle vitrine…