La Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH) a tenu, ce mercredi 14 septembre 2016, à l'Hôtel Le Belvédère, une conférence de presse, en présence de son président Radhouane Ben Salah ainsi que plusieurs cadres de la fédération, dans laquelle elle est revenue sur la situation dans le secteur hôtelier, et en particulier sociale, suite à la grève décrétée par l'UGTT dans tous les hôtels les 17 et 18 septembre 2016. La FTH dénonce surtout l'escalade inhabituelle contenue dans les communiqués ainsi que dans les déclarations et prônant un langage agressif et dénigrant envers les patrons des unités hôtelières.
Pour commencer, M. Ben Salah a brossé un tableau noir sur la situation du secteur, avec des chiffres en chute libre entre 2014 et 2015 : le nombre de nuitées est passé de 29 millions à 16 millions, les recettes sont passées de 3.600 millions de dinars (MD) à 2.350 MD et enfin, le taux d'occupation est passé de 44,9% à 27,7% alors que le nombre de lits a baissé de 183.000 à 177.000. Malgré cette situation alarmante, l'UGTT réclame une augmentation de 6% pour les employés du secteur au titre 2015 : une demande jugée exorbitante par les professionnels vu la situation actuelle. Les hôteliers ont consenti plusieurs efforts et plusieurs sacrifices pour garder leurs employés, mais la satisfaction de ses revendications c'est la fermeture assurée de nombreux hôtels, surtout que depuis 2011, leurs résultats d'exploitation sont négatifs et plusieurs payent de leurs poches leurs employés pour préserver la paix sociale, explique M. Ben Salah. «La situation financière ne permet pas des augmentations alors que les hôtels ne travaillent effectivement que 2 mois et demi», a-t-il noté, en précisant que la dépréciation du dinar de 11% les 6 derniers mois a aggravé davantage la situation.
Le président de la FTH admet que l'Etat tunisien a pris des décisions le 29 juin 2015 dans le cadre de la Loi de finances complémentaire de 2015, mais ces décisions n'ont pas été concrétisées. Ainsi, depuis 2011, la majorité des hôtels sont classés et n'ont pas droit à des crédits, pour le reste on leur impose un TMM+4,5 à court terme, ce qui représente des conditions impossibles à remplir.
Autre point, les opérateurs du secteur réclament une stratégie pour relancer le tourisme, en diversifiant les produits, améliorant la qualité, en conquérant de nouveaux marchés. Ils sollicitent des autorités qu'elles s'occupent encore plus de la propreté et de l'environnement. Ils font remarquer que malgré l'amélioration de la situation sécuritaire en Tunisie, plusieurs pays n'ont pas encore levé l'alerte voyage émise contre la destination. La FTH veut convaincre l'UGTT que le timing de cette augmentation est très mal choisi, avec tous les problèmes que traverse le secteur. Pire que ça, vu la situation actuelle, une augmentation des salaires au titre de 2015 et de 2016 n'est pas envisageable. Ainsi, la dernière proposition de l'UGTT formulée lors de la réunion de négociations tenue ce mercredi matin, et qui propose que la hausse soit déférée, bien que le Conseil national de FTH va l'étudier, ne sera pas possible.
Conscient que les deux parties sont arrivées à une impasse dans les négociations et qu'il est fort probable que cette grève ait lieu, Radhouane Ben Salah a réclamé le droit au travail aux employés qui le désirent, un service minimum et de ne pas bloquer l'accès aux hôtels. En effet, la FTH demande que les clients des hôtels et hôtes de la Tunisie ne soient pas pris en otage. Elle craint que des pressions soient exercées sur les employés pour qu'ils soient forcés à prendre part au mouvement. Elle craint aussi que des individus n'appartenant pas au secteur soient mobilisés pour isoler les hôtels et leurs occupants, en bloquant les accès. Et par dessus tout, elle a peur que des violences éclatent, entachant davantage l'image de la Tunisie.
Ainsi, les professionnels du tourisme demandent au gouvernement d'intervenir d'une part, pour faire respecter la loi et le droit au travail et exiger un service minimum pour ne pas perdre les touristes russes qui continuent à occuper les hôtels tunisiens. D'autre part, ils réclament l'application des décisions émises en leur faveur et la mise en place d'une stratégie à moyen et long terme.
Interrogé par Business News sur la part de responsabilité des professionnels du secteur dans la situation actuelle, Radhouane Ben Salah a admis qu'une part de responsabilité leur incombe mais qu'une part plus importante revient au gouvernement. En effet, M. Ben Salah a souligné que les finances propres des hôteliers ne suffisent plus pour renouveler le secteur et lancer le programme de restructuration pour la rénovation des hôtels sur le plan physique, l'amélioration des ressources humaines et la modernisation des moyens de commercialisation. Ces derniers ont besoin d'une circulaire de la banque centrale pour appliquer la Loi de finances de 2015 ainsi que d'une stratégie. Il a noté que dans les pays similaires et concurrents à la Tunisie, le crédit hôtelier est accordé sur 20 à 25 ans avec des conditions beaucoup plus avantageuses, notamment TMM+0,5 (pour un TMM entre 0 et 2%). Le taux appliqué en Tunisie est de TMM+4% (pour un TMM de 4,8%) avec des délais de remboursement de moitié que ceux appliqués par les pays concurrents. La restructuration est une solution de fond qui permettrait de pérenniser les structures hôtelières, a-t-il expliqué.
Concernant le rôle du ministère du Tourisme, dans l'application des décisions du gouvernement, M. Ben Salah a indiqué en réponse à une autre question de Business News, que la ministre a eu des problèmes avec ses collègues ministres pour faire appliquer ces décisions, à cause notamment des lenteurs de l'administration et celle de la Banque centrale qui, à ce jour, n'a pas mis en place une circulaire permettant l'application de Loi de finances complémentaire de 2015.