Le syndicat fait la loi. Ceci est surtout valable dans une ville comme Sfax. Ceci l'est, plus précisément, à l'hôpital régional Habib Bourguiba de Sfax. Saïd Aïdi n'a pas cessé de le clamer haut et fort : « La nomination de Chokri Tounsi à la tête du CHU Habib Bourguiba de Sfax est irrévocable ! ». Il en allait, selon lui, du prestige de l'Etat avec lequel « on ne badine pas ! ». L'ancien ministre de la Santé avait promis des sanctions contre ceux qui empêcheraient le nouveau DG de l'hôpital de Sfax de prendre ses fonctions et il a tenu parole. Des responsables ont été limogés et Chokri Tounsi a pris ses fonctions par la force publique.
Mais Saïd Aïdi n'est plus en poste aujourd'hui. On peut donc badiner avec le prestige de l'Etat et piétiner des décisions si durement prises. Cette nomination qui avait été beaucoup saluée, tout en faisant grincer les dents des syndicalistes et autres amateurs du chaos ambiant, a été balayée d'un revers de main par la nouvelle ministre de la Santé. Samira Meraï a cédé aux pressions du syndicat et a mis fin à un bras de fer de plusieurs mois, au grand bonheur de l'UGTT. Chokri Tounsi quitte cet hôpital dans lequel il a tenté de rétablir l'ordre. En vain, c'est à peine si on l'a laissé rejoindre son bureau et dépoussiérer les nombreux dossiers qui s'y amoncellent. L'état désastreux de l'hôpital, les soupçons de corruption, les fonctionnaires qui ne font rien, tout ceci attendra. Les responsables limogés seront réintégrés et pourront bénéficier du paiement rétroactif de leur salaire et du retrait de toutes les poursuites judiciaires à leur encontre. Rien que ça ! Voilà comment on souffle sur un bras de fer qui a duré des mois. Le syndicat remporte, cette fois encore, la manche haut la main. On ne cesse de répéter que personnel de l'hôpital et syndicat tiennent à ce que cette institution demeure « 100% républicaine », et non gérée par un cadre militaire. Entendez par cela, 100% sous leur coupe et peu importe si le désordre, la mauvaise gestion et la corruption y règnent. Tout ceci fait partie du décor ambiant et tout le monde s'en accommode.
Ceci est valable à peu près partout. Les avocats refusent de faire preuve de transparence et menacent d'entrer en désobéissance fiscale uniquement car on leur demande de rendre des comptes et d'être plus transparents. Les syndicalistes refusent que les établissements publics soient gérés par des compétences qui ne leur sont pas « loyales » et préfèrent maintenir le désordre actuel tel qu'il est. En réalité, ces organismes et corps de métiers qui ne cessent de brandir haut et fort leur grand intérêt pour la nation, leur dévouement pour le pays et leurs multiples années de militantisme ne sont pas prêts à bouger le petit doigt pour que les choses évoluent dans le bon sens. Pour peu que ce changement affecte leur petit confort et touche, directement, leurs intérêts personnels, ils sortent leurs crocs et affutent leurs armes de guerre. Grèves, désobéissance et autres moyens de pression sont utilisés pour écarter la moindre menace.
Ceci est également valable pour les gros dossiers de corruption, pour les recrutements de masse dans la fonction publique, pour les problèmes d'infrastructure, pour les saletés qui remplissent les rues…. Il suffit de donner un bon coup de pied dans la fourmilière pour réveiller les hostilités. Personne n'a intérêt à ce qu'on fourre un peu trop le nez dans ses petites affaires. Au diable, prestige de l'Etat, intérêt de la nation et autres slogans pompeux qu'on n'utilise que lorsqu'il s'agit des autres. Au diable les grands programmes gouvernementaux, les projets de réformes et les plans stratégiques si les saboteurs sont toujours là où ils sont…