Le chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, a participé, ce vendredi 16 décembre 2016, à l'émission « Noktet Hiwar », diffusée depuis l'Institut national du patrimoine, sur la chaîne BBC Arabic. Rached Ghannouchi est revenu, à cette occasion, sur la décision d'Ennahdha de « séparer le religieux du politique en devenant un parti civil ». Il a précisé que cette décision est une évolution naturelle, et que aujourd'hui le parti se consacre exclusivement à être au service du peuple pour répondre à ses attentes, expliquant qu'après la révolution rien ne justifiait de faire de la politique sous couvert d'un parti religieux, surtout que la religion n'est plus opprimée comme elle l'a été sous l'ère de Ben Ali. « Il y a eu une révolution qui a amené une transition dans laquelle la politique n'est plus interdite, avant il n'y avait pas de politique mais une hypocrisie politique avec un pouvoir centralisé. La politique était donc cachée sous d'autres activités et notamment celles syndicales et religieuses » a précisé Rached Ghannouchi.
« Il n'y a eu aucune pression politique, nous sommes un parti reconnu et nous n'avions pas besoin de prendre cette décision pour continuer à exister. Nous avons estimé que le contexte ne le nécessitait plus. Les activités religieuses ont été de ce fait séparées du politique » a-t-il souligné. Et d'ajouter : « Nous avons décidé la séparation et d'éviter qu'on nous accuse d'instrumentaliser la religion dans la politique, c'est pour cela que nous avons donné le choix, à ceux qui veulent prêcher, de continuer leurs activités sans faire de politique et ceux qui veulent faire de la politique nous leur avons permis de le faire » a affirmé le président d'Ennahdha. « Nos adversaires nous accusent souvent de faire l'amalgame. Quand nous avons participé aux élections parlementaires plusieurs imams ont voulu soumettre leur candidature et nous leur avons dit de choisir entre leur activité religieuse et politique », a-t-il assuré.
Sur la coalition avec Nidaa Tounes, Rached Ghannouchi a précisé que cela a permis au peuple de parler en toute sécurité, d'être libre d'exprimer son opinion ajoutant que cette politique est une nécessité pour le bien du pays. Et de renchérir : « Nous étions adversaires et nous nous sommes livrés une bataille sans merci, mais nous avons décidé de placer l'intérêt du pays au-dessus de nos différends ».
Interrogé par le public sur ses propos sur l'islam en colère, le président d'Ennahdha a précisé que c'est une expression et non une philosophie, qui a été dite dans un contexte particulier au Moyen-Orient et qui a conduit à l'émergence de l'extrémisme. « J'ai dit qu'il fallait traiter la cause de cette maladie qu'est le terrorisme et que nous condamnons. Je parlais pour dire qu'il faut en éradiquer la cause et une des causes est la dictature et les différends sectaires. Je ne justifie rien du tout, mais parfois quand un politicien parle comme un sociologue ses propos peuvent être mal compris », a expliqué Rached Ghannouchi.
En ce qui concerne la question des contestations au sein d'Ennahdha sur sa réélection à la tête du parti, Rached Ghannouchi a précisé que ce sont des opinions légitimes et qu'Ennahdha est un parti dans lequel tous les avis sont permis. « L'unité du mouvement est due au fait qu'il soit un parti authentique alors que les autres sont apparus après la révolution. Les dirigeants sont nombreux et se sont côtoyés depuis longtemps en tant que militants dans les prisons et en dehors des prisons et sont liés par des amitiés profondes. Aussi le parti est gouverné par des institutions très fortes. Ce qui tient le parti ce sont aussi ses principes » a-t-il souligné.
Qu'en sera-t-il d'Ennahdha après Ghannouchi ?, a demandé l'assistance, question à laquelle le chef du parti a répondu que ce qui lui importe le plus c'est surtout l'avenir du pays, du peuple, de la démocratie et que si Ennahdha est tenue par ses institutions et non par des personnes il n'y a rien à craindre pour son avenir.