Impossible de faire l'impasse cette semaine sur l'élection française et le premier tour de la présidentielle. Les amateurs des théories de la « France colonisatrice » qui « parasite encore notre culture », passeront leur tour. Pour tous les autres, il y a Macron. Ce jeune candidat qui fait face aujourd'hui, au deuxième tour, au mastodonte très controversé, Marine Le Pen, intrigue. Son passage, dimanche, avec 23% des votes prouve qu'il n'est pas seulement « l'hologramme » dont il a été qualifié par ses détracteurs. Le candidat est bien réel et il est invraisemblablement sérieux. Celui qui, il n'y a pas si longtemps, était un illustre inconnu n'est désormais plus cette « bulle spéculative », cette « montgolfière poussée à l'air chaud des médias », ce « mirage », cette « imposture », ce « monsieur X ». Le « Californian dream » français est tout compte fait bien réel et il n'a jamais été aussi près de se réaliser. Mais ceci n'est pas une surprise, Emmanuel Macron a été propulsé là où il est par des médias qui ont, pendant des mois, fait sa campagne. Leur crédo : impossible de soutenir une candidate comme Marine Le Pen, ou encore un François Fillon dans la tourmente jusqu'au bout.
Un scénario qui nous fait penser à celui des New Yorkais qui étaient restés scotchés, dans la nuit du 6 novembre 2016, à Times Square, à des écrans géants censés annoncer la victoire de Hillary Clinton au scrutin présidentiel. A la place, ce sera Donald Trump qui fêtera sa victoire. Déception générale ? En tout cas, pas pour les milliers qui ont voté pour lui. Voter pour un candidat aussi imprévisible, grossier et inexpérimenté que Donald Trump dérangerait les masses. Tout comme donner sa voix pour la raciste et xénophobe Marine Le Pen peut choquer. Mais la vérité est bien moins binaire que ce qu'on croit. Si les médias américains ont tous, ou presque, soutenu la candidate Clinton, ceux français se sont acharnés contre Marine Le Pen. Au final, seule l'influence médiatique française a porté. Mais ces victoires, même si elles ont mis la lumière sur le réel rôle des médias dans une campagne électorale, n'ont certes pas été volées. Autant l'outsider Donald Trump que le très jeune Emmanuel Macron ont pris des risques. Risques calculés et qui ont très bien donné leurs fruits.
L'offre nouvelle séduit. Mais l'offre nouvelle gêne aussi et n'est pas prise au sérieux. Tout comme Macron qui a été raillé par la classe politique, Donald Trump a aussi été dénigré par les politiques et les médias. Mais cette offre est visiblement tout ce que les masses réclament. A l'image du scrutin présidentiel américain de 2016, celui français réservera bien des surprises. Si Macron séduit, la candidate du FN a aussi toutes ses chances et bien plus encore. Macron a su se faire une place sur les cadavres du parti Les Républicains et du Parti Socialiste. Les deux ont été éliminés en beauté. Mais Le Pen bénéficie aujourd'hui d'un climat plus que jamais à son avantage. Les attentats terroristes à répétition, le Brexit, la crise des migrants, mais aussi la victoire du républicain Trump servent tous ses arguments de campagne. 249 Français de Tunisie ont voté pour Marine Le Pen, soit 3,31% des voix. Un score certes dérisoire, mais qui étonne…ou pas. Les discours populistes de la candidate du FN sont plus que jamais proches de la réalité de ceux qu'on tient tous les jours chez nous…toutes proportions gardées. Des slogans régionalistes, racistes, adeptes d'une sécurité prioritaire à la liberté, qui demandent à ce que leurs revendications soient satisfaites tout de suite, sans se donner les moyens d'attendre et de travailler pour.
Les électeurs ont besoin de plus, de plus que ce qu'ils côtoient tous les jours. Lorsque le système échoue à leur garantir la vie dont ils rêvent, la solution est simple, il faut aller voir ailleurs. En sera-t-il de même en Tunisie ? Avec deux partis au pouvoir qu'on ne présente plus mais qu'on n'a même plus besoin de dénigrer puisqu'ils le font eux-mêmes. Que choisir entre Ennahdha ou Nidaa Tounes au prochain scrutin électoral ? La question semble comique pour certains.
Les élections législatives et la présidentielle, ce n'est pas encore pour demain en Tunisie. Mais les campagnes avancent déjà à petits pas. Tout comme en 2014, les Tunisiens, enfin nombre d'entre eux, se sont retrouvés acculés à la lourde tâche de choisir entre le Destourien Béji Caïd Essebsi, représentant d'un ancien système dont on ne veut plus, et le loufoque Moncef Marzouki, qui aurait sa place n'importe où ailleurs que dans une présidence. Idem du côté des Américains qui ont été obligés de choisir le moins pire. Pour beaucoup, ce sera pareil pour les Français aussi. Le vote utile, est-ce ça la solution de demain ?