La vague nocturne de contestations que la Tunisie a connue dans la nuit du 8 janvier 2018 n'a pas manqué de faire réagir les politiciens de tous bords. Si tous, ou presque, s'accordent à condamner la violence et les actes criminels commis, chacun y va de son analyse sur les responsables de ces troubles. Plusieurs régions du territoire tunisien notamment Tebourba dans le gouvernement de La Manouba, El Hamma dans le gouvernorat de Gabès, Douz dans le gouvernorat de Kébili, ainsi que Kairouan et Kasserine ont vécu hier lundi 8 janvier 2018 une nuit de tensions. Des manifestants ont tenu des mouvements nocturnes pour contester la hausse des prix et déplorer la cherté de la vie. Ces manifestations ont vite abouti à des affrontements avec les forces de l'ordre accompagnés d'actes de pillage et de vandalisme partout dans le pays. Bilan : un manifestant est mort à Tebourba lors de ces affrontements. Par ailleurs, plusieurs casseurs ont été arrêtés et de nombreux dégâts matériels ont été enregistrés.
Ces mouvements protestataires ont suscité plusieurs réactions notamment de la part du gouvernement et de l'ensemble des partis politiques qu'ils soient au pouvoir ou dans les rangs de l'opposition. Pour ce qui est des réactions des parties officielles, Le chef du gouvernement Youssef Chahed est intervenu aujourd'hui mardi 9 janvier 2018 pour déclarer que « les affrontements survenus ne peuvent pas être considérés comme des protestations vu les actes de violence, de pillage et de sabotage enregistrés pendant ces heurts ». Le Chef du gouvernement a indiqué que « le droit de manifester était garanti par la loi mais que des mouvements nocturnes de la sorte ne devraient pas avoir lieu dans un Etat démocratique ». Il a par la suite souligné que « la loi sera appliquée sur les pillards et les vandales ainsi que sur les parties qui les incitent à ces actes de sabotage », en affirmant que « l'Etat protégeait les manifestants pacifiques ».
Du côté du ministère de l'Intérieur, le porte-parole Khalifa Chibani a déclaré que « les actes de vandalisme n'étaient pas liés aux mouvements protestataires pacifiques ni aux revendications légitimes des manifestants, vu la présence des personnes qui pillent et volent à l'aide d'armes blanches ». Il a par ailleurs ajouté que « des bandits ont profité de la situation chaotique pour s'introduire dans les postes de police et à l'intérieur des sièges des délégations, mettre le feu à des meubles et essayer de piller des locaux d'agences bancaires ». Il a par ailleurs souligné l'existence d'une « machine » active sur Facebook qui « vise à attiser le feu et à propager des rumeurs et des informations erronées sujettes à induire en erreur l'opinion publique ». M. Chibani a au final, condamné ces actes de sabotage appelant à contrôler davantage la situation.
Le parti Nidaa Tounes a, pour sa part, déclaré dans un communiqué que « les manifestations n'étaient pas spontanées » et a accusé « certaines parties politiques » d'être « le moteur derrière ces mouvements de protestation ». Il a également indiqué que « les actes de vandalisme nuisaient à la sécurité de l'Etat » et appelé au calme. Le parti a, en outre, condamné tout acte de pillage et de violence rappelant « son attachement à toute revendication légitime visant à se soulever contre la hausse des prix et à protéger le pouvoir d'achat du citoyen ».
Une position partagée par le parti Ennahdha, qui a condamné dans son communiqué paru ce mardi 9 janvier 2018 les actes de pillage et de sabotage des institutions de l'Etat et des propriétés publiques et privées. Ennahdha a, par ailleurs, accusé « certaines parties politiques anarchiques de gauche de profiter des revendications des protestataires pour inciter au chaos et aux actes de vandalisme ». Le mouvement a, en outre, appelé les manifestants au calme et à « faire primer l'intérêt du pays » tout en apportant son soutien aux revendications économiques et sociales légitimes des protestataires ainsi qu'à leur droit à la manifestation pacifique et ce sans porter atteinte aux personnes ou recourir aux actes de vandalisme.
Au final, le parti Ennahdha a appelé le gouvernement, dans son communiqué, à « être plus à l'écoute des préoccupations des citoyens et à œuvrer à répondre à leurs revendications ainsi qu'à accorder plus d'appui et d'intérêt aux régions intérieures ».
Quant aux partis de l'opposition, Hamma Hammami, le leader du Front populaire, qui avait déjà appelé les citoyens à sortir manifester, a déclaré lors d'une conférence de presse tenue aujourd'hui que « les manifestations étaient pacifiques, même celles qui se sont déroulées la nuit ». Il a en outre ajouté qu'il « existe des membres de la coalition au pouvoir qui cherchent à décrédibiliser les mouvements de protestations car ce sont eux qui ont fait passer ces mesures injustes ».
Moncef Marzouki, l'ancien président de la République et leader de Harak Al Irada, a aussi qualifié les protestations de « légitimes et nécessaires » en réponse à des « politiques mensongères qui dupent le peuple depuis 2014 et visent à semer le désespoir ». Il a ajouté que le gouvernement au pouvoir était « illégitime et manque de crédibilité ». Il a ainsi appelé les forces de l'ordre à se souvenir que « les manifestants n'étaient pas leurs ennemis ». Au final, il a lancé un appel aux jeunes de « ne pas se laisser entrainer par la violence afin de ne pas tomber dans le piège de la manipulation de la part de certaines parties qui œuvrent uniquement au service de leurs intérêts ». Les organisations nationales avaient également réagi face à ces manifestations. En effet, le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi a affirmé que la centrale syndicale était opposée aux manifestations nocturnes notamment celles durant lesquelles, des actes de pillage et de sabotage ont été commis. M.Taboubi a déclaré, lors de sa participation au congrès régional de l'UGTT à Monastir, ce mardi 9 janvier 2018, que « l'Union soutient la liberté d'expression et que le peuple a le droit de se soulever contre la cherté de la vie et le chômage. Cependant, ces mouvements devraient se tenir dans un cadre régi par les partis politiques et les syndicats ».
Depuis l'aube de ce mardi 9 janvier 2018, plusieurs régions du pays ont retrouvé le calme et sont revenues à l'état normal après une nuit fort mouvementée. Dans le bilan communiqué par le ministère de l'Intérieur, on apprend que les forces de l'ordre ont procédé à l'arrestation de 44 individus e que des policiers ont été blessés lors des événements survenus partout dans le territoire.