Le paysage politique et partisan est en perpétuelle métamorphose. Le passage à l'Assemblée des représentants du peuple de la nouvelle équipe gouvernementale proposée par Youssef Chahed sans même la présence de Nidaa Tounes, est l'illustration parfaite des nouveaux équilibres qui s'installent. C'est aujourd'hui que les nouveaux ministres fraîchement désignés par Youssef Chahed ont prêté serment devant le président de la République. Une dernière mesure constitutionnelle avant de prendre officiellement leurs nouvelles fonctions. Ainsi, et malgré toutes les critiques et les controverses déclenchées à la suite de l'annonce du remaniement ministériel, la nouvelle formation de Youssef Chahed a réussi à obtenir la confiance des députés au parlement avec, en moyenne, 130 voix en leur faveur. Cette majorité parlementaire a été obtenue en dépit du boycott d'une cinquantaine de députés appartenant à Nidaa Tounes, parti rappelons-le vainqueur aux législatives et premier bloc au parlement. Cette décision a été prise, depuis le 25 octobre 2018, jusqu'à ce que la présidence du parlement donne des éclaircissements sur ses démarches dans l'affaire du vote portant prolongation de l'Instance Vérité et Dignité. Force est de constater qu'une nouvelle configuration parlementaire et partisane commence à voir le jour. Mis à part le mouvement Ennahdha qui demeure inébranlable, maintenant sa position et sa force sur l'échiquier politique, le reste des partis politique ont été sujets à des mutations et des changements. La naissance d'un nouveau bloc parlementaire soutenant le chef du gouvernement est la résultante directe de l'éclatement de Nidaa Tounes. En effet, la partie de Nidaa Tounes en désaccord avec la politique du directeur exécutif autoproclamé, Hafedh Caïd Essebsi, a quitté le bercail. Ses membres ont choisi de s'organiser dans un premier temps dans le cadre d'un bloc parlementaire soutenant, entre autre, le chef du gouvernement, tout en s'attachant aux valeurs progressistes ayant donné naissance à Nidaa Tounes, l'unique formation qui a pu faire face à Ennahdha en 2014. De quoi recréer, dans le temps, un certain équilibre sur la scène nationale.
Cependant, et à l'approche des échéances électorales, « cette partie » se doit de s'organiser dans une autre forme que celle du simple rassemblement parlementaire actuel. D'ailleurs, la députée de la Coalition nationale, Leila Chettaoui, a assuré, aujourd'hui même, à Business News que les membres de son bloc ont l'intention d'annoncer la création d'un nouveau parti politique, d'ici la fin de l'année ou, au plus tard, au début de l'année prochaine. Selon elle, ce nouveau parti n'est pas le fruit du hasard, mais émane d'une décision mûrement et longuement réfléchie, depuis au moins une année. Bien que cette annonce soit attendue, voir même évidente, plusieurs personnes se posent encore la question de savoir quelle direction prendra ce nouveau projet. Pour sa part, la députée estime que le chef du gouvernement, Youssef Chahed, dispose des qualités et compétences requises pour diriger le nouveau parti. « C'est grâce à Chahed que nous vivons toute cette dynamique politique », a-t-elle poursuivi. Dans le même ordre d'idées, elle a aussi indiqué que ce parti prendra part aux prochaines élections présidentielle et législatives de 2019.
Cette nouvelle donne contribuera, inéluctablement, à plus de mutation et de changement du paysage partisan dans la mesure où ce projet politique sera attrayant à plus d'un titre et créera probablement une nouvelle dynamique dans la période à venir, notamment sur le plan stratégique et organisationnel pour les prochaines élections.
Or, la mise en place concrète de ce nouveau projet impliquera, sans doute, le départ du gouvernement actuel. Ainsi, cette formation gouvernementale n'aura devant elle qu'à peine quelques mois d'exercice. En effet, si le chef du gouvernement Youssef Chahed décide de se lancer dans le projet politique en vue, il sera contraint de quitter son poste et de se consacrer à la prochaine campagne électorale. Cette configuration implique que la nouvelle équipe gouvernementale ne pourra entamer les grandes réformes en profondeur. Elle aura donc la mission de s'attaquer aux dossiers urgents et de se pencher sur les questions touchant de près la vie quotidienne du citoyen.
En tout état de cause, la conjoncture politique actuelle est sur le point de changer d'une manière imminente. La question qui se pose serait de savoir si le projet annoncé est capable de créer un nouvel équilibre sur la scène nationale et s'il est suffisamment rassembleur pour unir les forces progressistes, afin d'éviter le scénario déjà vécu lors des élections de 2011.