27 juin 2019, les Tunisiens ont retenu leur souffle, redoutant qu'un malheur ne s'abatte sur le pays. Le double-attentat suicide commis à Tunis et l'attaque d'une station radiophonique à Gafsa n'avaient pas réellement effrayé les Tunisiens, qui avait rapidement retrouvé leur train-train quotidien. C'est plutôt l'hospitalisation en urgence du président de la République, Béji Caïd Essebsi, qui leur a causé le plus de frayeur. La Tunisie n'avait pas le droit de faillir, à quelques mois des élections et en l'absence d'une Cour constitutionnelle. Pourtant, certains ont profité de ce moment pour étaler toute leur mesquinerie. C'est le cas d'Amira Yahyaoui, fondatrice et ancienne présidente de l'Ong Al Bawsala et actuellement membre du conseil d'administration de Silatech, une organisation sociale régionale, fondée par Cheika Mozah bint Nasser Al Missned en 2008. Sans scrupule, elle avait essayé d'alimenter les rumeurs sur le décès du chef de l'Etat via son compte Twitter. Durant cette journée difficile, Amira Yahyaoui, qui a clairement raté une occasion de se taire, a publié un tweet estimant que le président Caïd Essebsi était assez complaisant avec les dictatures de Bourguiba et de Ben Ali en ajoutant : « Tout a une fin et il ne manquera pas ». Bien entendu, ce tweet n'est pas passé inaperçu sur les réseaux sociaux et les critiques ont rapidement fusé. Certains ont même estimé, sur un ton moqueur, que la palme d'or de l'hypocrisie, du déshonneur et de l'indécence revenait à cette jeune militante des droits de l'Homme ainsi qu'à Intissar Kheriji, fille du leader islamiste d'Ennahdha, Rached Ghannouchi. Cette dernière ne s'était pas en effet retenue d'alimenter les intox sur le chef de l'Etat à un moment où la Tunisie était assez fragilisée par la cupidité et l'égoïsme d'une partie de la classe politique. « Le président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Mohamed Ennaceur, succèdera ainsi au chef de l'Etat jusqu'à la tenue des prochaines élections. Reste à savoir s'il va signer la semaine prochaine les amendements de la loi électorale », a-t-elle écrit. Cette dernière a rapidement supprimé ce tweet peu de temps après. Mais une capture d'écran de cette publication avait été largement publiée sur les réseaux sociaux…
Les réactions des personnalités politiques n'ont, d'ailleurs, pas tardé. A titre exemple, le secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, a estimé que le malaise de Béji Caïd Essebsi avait dévoilé « la mesquinerie » de certaines parties. De son côté, le président de Machrouû Tounes et ancien ministre-conseiller politique du cabinet présidentiel, Mohsen Marzouk, avait indiqué dans un post Facebook que les personnes ayant cherché à faire le buzz ont « manifesté leur bassesse » et, par conséquent, « ne constituent qu'une minorité comme dans toute société ». « Jeudi dernier a été l'occasion de les démasquer. Le mieux pour eux serait de présenter leurs excuses au peuple tunisien connu pour son indulgence », a-t-il ajouté. Et les critiques envers Intissar Kheriji ne se sont pas arrêtées là. Le secrétaire général de Machrouû et député du bloc Al Horra, Hassouna Nasfi, avait estimé que Rached Ghannouchi aurait mieux fait de critiquer et réprimander sa fille au lieu de faire un commentaire sur l'erreur de communication de la présidence de la République concernant l'état de santé de Béji Caïd Essebsi. Le leader islamiste avait, en effet, estimé que la présidence de la République « a commis une faute de communication en publiant deux communiqués le jour des deux attentats, semant ainsi frayeur et inquiétude auprès des Tunisiens ». Et d'ailleurs, Ghannouchi n'était pas le seul homme politique à avoir critiqué cette erreur de communication. Le président de l'Union patriotique libre (UPL), Slim Riahi, actuellement à l'étranger, avait en effet dénoncé sur sa page Facebook les erreurs de communication et de coordination de « certains arrivistes » occupant des postes délicats, ainsi que de leur mauvaise foi. « Ils ont même collaboré avec certaines parties qui n'ont pas saisi les principes de l'Etat et de la patrie. Tôt ou tard, ils seront éjectés par la démocratie », avait-il prédit.
Réagissant à ces critiques et aux rumeurs sur le décès du président Caïd Essebsi, les conseillers à la présidence, Saïda Garrach, Firas Guefrech et Noureddine Ben Ticha sont sortis de l'ombre et essayé tant bien que mal de rassurer l'opinion publique sur l'état de santé du commande suprême des forces armées. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, le secrétaire général de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, et le médecin traitant du chef de l'Etat à l'hôpital militaire de Tunis, Dhaker Lahidheb ont eux aussi affirmé que l'état de santé de M. Caïd Essebsi était « stable ».
Malgré ces explications, l'opinion publique n'a pas été vraiment convaincue. Les Tunisiens n'attendaient qu'une seule chose : avoir une preuve que le président de la République était bel et bien en vie. Une photo ou même une vidéo serait la bienvenue disaient certains ! Mais hélas rien de tout cela ne s'était produit. Les internautes se sont demandés, ces derniers jours, si la présidence de la République n'essayait pas de masquer la vérité et préparait en silence la cérémonie d'enterrement. Or, ces frayeurs se sont vites dissipées dès la publication de la présidence de la République d'un troisième communiqué annonçant que M. Caïd Essebsi s'était entretenu par téléphone avec le ministre de la Défense nationale, Abdelkarim Zbidi. Les hommes politiques et les syndicalistes ont eux aussi emboîté le pas à Carthage, en indiquant dans des communiqués publiés séparément qu'ils ont rendu visite à M. Caïd Essebsi pour s'assurer que son état de santé s'améliorait bel et bien.
Force est de constater que la présidence de la République n'a pas su gérer la crise. La communication balbutiante face à la multiplication des rumeurs a alimenté la paranoïa générale. Si les services de Carthage ont tenté de calmer les tensions, le jeudi 27 juin 2019 aura pourtant été une journée très éprouvante pour de nombreux Tunisiens. Avec un double attentat terroriste qui a fait 8 blessés et causé le décès de l'agent de la police municipale, Mehdi Zammali, tombé en martyr, les Tunisiens n'avaient pas besoin d'un drame supplémentaire. A l'heure actuelle, le chef de l'Etat se rétablit doucement mais sûrement annoncent les proches de la présidence qui affirment qu'il pourra bientôt reprendre ses activités là où il les avait quittées…