À l'approche du scrutin présidentiel, on est en droit de se poser quelques questions en rapport avec le processus démocratique tunisien et la situation du pays. Faut-il être inquiet de l'émiettement probable des voix, avec cette pléthore de candidats ? Le soir du 15 septembre 2019, si on découvre que les deux candidats qui passent au second tour ne représentent qu'une part très minoritaire des voix exprimées, cela risque de frustrer une forte majorité d'électeurs, voire augmenter drastiquement le taux d'abstention. Il est à rappeler qu'en 2014, près des trois quarts des électeurs au premier tour ont vu leur choix représenté au second tour. L'atomisation de l'offre politique actuelle et l'absence d'une bipolarisation de la vie politique indique qu'on est loin de cette configuration.
Il s'agit d'une source sérieuse d'instabilité à prendre en considération dans un futur proche.
Le scrutin présidentiel, contrairement à celui de 2014, est entaché cette année par des faits d'ordre judiciaire, mais aussi d'irrégularités flagrantes en matière de dépenses excessives dans certaines campagnes, contrastant d'une part avec la situation socio-économique difficile du pays et d'autre part avec des campagnes volontairement ascètes sans toutefois être dénuées d'une certaine efficacité. Cela crée une sorte de malaise, qui ne remet en aucun cas en question l'issue du scrutin mais diminue quelque peu sa portée sur le plan de l'égalité des chances des différents candidats. On n'est pas à l'abri d'une avalanche de recours tentant de remettre en cause les résultats de cette échéance électorale ô combien importante pour le présent et l'avenir de notre pays.
Il s'agit d'une autre source sérieuse d'instabilité à prendre en considération dans un futur proche.
Le scrutin présidentiel de septembre 2019 a un impact prévisionnel énorme sur celui des législatives d'octobre 2019, tant l'antagonisme est fort entre d'un côté des partis représentant le système, majorité comme opposition, et de l'autre côté de nouvelles forces politiques anti système ou hors système. Tout émiettement des voix lors des élections d'octobre rendu possible par les performances du premier tour lors de la présidentielle rendrait le processus de désignation du chef d'un gouvernement stable, en 2020, difficile à atteindre. Des jours difficiles peuvent nous attendre car l'économie n'attend pas, les bailleurs de fonds ont besoin de voir clair pour continuer éventuellement à soutenir financièrement la Tunisie. Les syndicats patronaux et des travailleurs seront impatients car ils revendiqueraient légitimement une visibilité sur le plan politique, économique et sociale. Ceci créerait un état émotionnel négatif chez le citoyen tunisien et détériorerait le climat des affaires.
Il s'agit d'une nouvelle source sérieuse d'instabilité à prendre en considération dans un futur proche.
Bref, dimanche 15 septembre 2019, le choix de la raison, du patriotisme, du sens profond de l'Etat, de la pondération, de la sagesse, de l'expérience, de la probité à toutes épreuves, de la hauteur par rapport à toutes les sensibilités politiques, le choix d'un candidat fidèle à l'Etat-nation, loyal vis-à-vis des pères fondateurs et bâtisseurs de notre République, civile, moderne, ouverte, tolérante et donnant place au mérite par le travail et l'effort.
L'heure est grave. La construction de notre jeune démocratie pour les générations actuelles et futures devrait être bâtie sur des bases saines et solides. La prospérité ne peut naître ou renaître que dans un environnement stable et serein loin des tiraillements politiciens et toutes formes d'aventures ou d'opportunisme politique. La stabilité est la porte du salut.