Tout le monde s'accorde à dire que la situation du pays est explosive. Un peuple qui souffre, un gouvernement qui essaie tant bien que mal de faire avancer les choses, une lutte en sourdine entre un président de la République « droit dans ses bottes » et un président du Parlement en plein délire et qui n'a que faire de la Constitution. Ajouter à cela un Parlement croupion, divisé, violent et impuissant et des sit-in qui s'annoncent entre un groupe très hétéroclite et divisé dont une partie appelle à la chute du Parlement et l'autre à la destitution de son président ou à la mise en place d'une troisième République et un autre groupe de sit-inneurs - se disant « les ikhchidiens » - qui appelle clairement à faire « tabula rasa » de tout ce qui a été réalisé depuis 2011 et qui risque de nous mener vers l'anarchie. Un inconnu forcément trouble et qui peut avoir raison de notre « processus démocratique » non encore achevé. Bref, entre ceux qui veulent s'accaparer tous les pouvoirs en faisant mainbasse sur tous les rouages de l'Etat (le fameux taghawil dont parlait le renard politique Béji Caïd Essebsi, paix à son âme), et ceux qui appellent ouvertement et par inconscience et pur populisme, à détruire notre modèle politique, tout cela inquiète plusieurs Tunisiens. Même le président de la République qui pourtant ne cache pas son souhait de tout réformer mais rejette toute « anarchie ». Au fond, il est donc contre les sit-in, même ceux de ses adeptes les plus acharnés qui sont plus dans la haine de classes que dans la lutte des classes qui a ses règles « démocratiques ». L'UGTT aussi a fait savoir qu'elle était contre les sit-in annoncés. N'en parlons pas des partis de l'opposition dans ou en dehors de l'Assemblée qui n'ont montré (par peur, par faiblesse, par opportunisme ou même par conviction) aucun enthousiasme pour les sit-in annoncés. Que faire ? Einstein disait : « Il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre ». Certes, mais attention, on n'est ni pour la chute de l'ARP ni pour une Troisième République. C'est encore tôt, et cela risque de jeter le pays dans l'inconnu, l'anarchie et le populisme. Par contre, et face à la grave crise sociale, économique et surtout politique qui s'annonce, nous pensons qu'il existe une Troisième Voie : 1. Recréer le Quartet en lui rajoutant l'UNFT, l'Union Nationale des Femmes Tunisiennes (pour l'instant, on ne voit qu'elle comme structure nationale pouvant exprimer une présence féminine) et pourquoi pas, vu la situation des médias et l'état inquiétant de la liberté de la presse, le SNJT (Syndicat National des Journalistes Tunisiens) ? 2. Imposer un gouvernement de Salut National dirigé par des indépendants politiques, professionnels et sans mains tremblantes 3. Geler le Parlement jusqu'à la fin de la législature. Son rôle ne sera que « d'adopter sans discuter » les décisions gouvernementales qui se feront par « ordonnances ». La Constitution le permet. 4. Un Gouvernement de Salut National qui doit présenter en urgence les réformes sociales et économiques à faire adopter dès les premiers jours. 5. Préparer, en étroite concertation avec le président Kaïes Saïed et les grands spécialistes en droit constitutionnel, les réformes politiques (système politique, mode de scrutin, les instances constitutionnelles manquantes...) qui seront adoptées par le prochain Parlement 6. Unir les démocrates progressistes dans une sorte « Parlement citoyen » dirigé d'une manière collégiale (pour faire taire les ego) et dont le rôle serait de préparer un programme et faire émerger un groupe uni et une personnalité charismatique qui seront nos représentants aux prochaines élections législatives et présidentielle. C'est le seul salut des démocrates progressistes de ce pays, si bien sûr, ils veulent aller au charbon et diriger le pays. Ceci n'est qu'un simple avis pour une feuille de route à affiner et qui comporte sûrement des failles constitutionnelles. Mais, n'avons-nous pas eu une Assemblée Nationale Constituante qui avait un an pour élaborer une Constitution et qui au final, malgré toutes les crises, est restée en place trois années complètes ? Ne dit-on pas aussi (surtout chez nous) que « la politique est l'art du possible » ?