Dans l'histoire de la transition démocratique Tunisienne, le dimanche 22 mai 2011 est déjà un jour marqué d'une pierre blanche. En effet, 16 citoyennes et citoyens venus d'horizons divers mais unis par la même conviction démocratique et amour de leur pays, ont annoncé haut et fort et avec courage ce que l'ensemble de la classe politique pensait tout bas. Ce mur du silence, voire cette quasi omerta, les 16 membres de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (I.S.I.E) l'ont réduit à néant par une déclaration de salut public, car qui pouvait croire, à moins d'être frappé d'une cécité politique particulièrement grave, que d'ici le 24 juillet, les conditions d'exercice du plus sacré des droits démocratiques, le droit de vote pouvait s'opérer en toute liberté et transparence et sans exclusive aucune ? Qui pouvait décemment se permettre que cette Révolution Tunisienne pétrie de sagesse, dignité et fierté, puisse s'accommoder d'un processus électoral dont l'intégrité et résultats soient frappés du sceau de l'infamie suite à des doutes et soupçons quant à son rigoureux respect des règles élémentaires du droit de vote ? Et c'est précisément, suite au constat circonstancié et extrêmement détaillé (disponible sur www.assezdedivisions.org) de cette impossibilité de garantir des élections transparentes, démocratiques et pluralistes que les 16 ont recommandé de reporter les élections au 16 octobre 2011. Il faut s'imaginer dans quelles conditions cette recommandation lourde de conséquences mais salvatrice pour notre pays, a dû être arrêtée et assumée au cours de cette longue nuit blanche du 21 au 22 mai que ne seront pas prêts d'oublier ces 16 braves, conscients qu'il ne peut y avoir de petits arrangements avec la démocratie. Il faut espérer que la raison l'emportera et que toutes les parties prenantes convaincues que ce ne sont pas les élections en tant que telles qui comptent mais avant tout leur capacité à refléter le choix souverain du peuple, souscrivent à la recommandation du report des élections du 24 juillet 2011. Et si tel est le cas il faut vite, mais très vite, aller en besogne et s'atteler à soulever tous ensemble les impératifs de ce fantastique mais laborieux chantier de construction et consolidation de notre démocratie chèrement acquise. La Tunisie, ainsi apaisée des risques d'une élection bâclée, a donc le devoir d'assumer, avec toute la générosité que l'on lui connaît, une obligation des moyens pour que les 16, avec notre soutien et participation à tous, puissent assurer en toute sérénité leur mission et à leur tour sur une base d'un rétroplanning rigoureux, détaillé et non séquentiel, garantir au pays de la révolution du 14 janvier une obligation des plus fous mais réalisables des résultats, celui de rompre définitivement avec les années de plomb du régime Ben Ali en consacrant notre irréversible entrée de plain‐pied dans la sphère des nations démocratiquement souveraines. Et encore une fois, merci aux 16 qui par leur courage et lucidité ont su, par au delà de leur choix, consacrer le fait que la Tunisie n'est plus un pays de valets de sujets mais bien de libres, fiers et généreux citoyens.