Le modèle économique tunisien ne fonctionne plus. Il a démontré ses limites et a besoin d'une réelle restructuration. Les explications de Houssine Dimassi, économiste chargé des études et de la formation au sein de l'UGTT, qui a animé mercredi 28 juillet, un débat lors d'un forum sur les futurs enjeux socio-économiques de la Tunisie, organisé par l'Association Houmat Nabeul. Le « miracle » tunisien cachait en réalité des failles, des lignes de fracture, et de nombreuses inégalités régionales et générationnelles en termes de niveaux et modes de vie, d'accès à l'emploi et aux services publics. M Dimassi a précisé que si les Tunisiens ont réussi, enfin, dans un contexte régional difficile, à arracher, grâce aux sacrifices et au sang des martyrs, la possibilité d'accéder au monde de la démocratie, des libertés et des droits de l'homme. Il n'en demeure pas moins qu'on est appelé à mieux capitaliser, loin des querelles, les acquis et les principes de la révolution. Car, le tissu politique actuel caractérisé par l'inflation des partis freine la reconstruction rapide de l'économie tunisienne et son évolution. Il en découle trois enjeux. Le premier est lié à la situation financière du pays : « Le modèle social tunisien, a-t-il expliqué, est caractérisé par un grand dualisme. Les inégalités sociales ont indéniablement augmenté durant les vingt dernières années du fait de la précarisation du monde du travail. La répartition des fruits de la croissance ne semble pas avoir profité de manière équitable à l'ensemble des catégories socioprofessionnelles et notamment à la classe moyenne qui a disparu. Ceci sans oublier l'impact spatial avec l'augmentation des disparités entre les régions, causant une fracture entre le littoral et l'intérieur du pays. Le chômage et l'emploi précaire ont corsé la situation. Devant cette impasse, les caisses de sécurité sociale ne peuvent jouer leur rôle. Elles accuseront d'ici 2015 3,5 milliards de dinars. De ce fait, il faut trouver des ressources financières pour mettre en marche la machine économique et ceci en améliorant les recettes et en réduisant les dépenses. Ce n'est pas facile surtout que les caisses de l'Etat sont vides et on continue à subventionner les produits de base notamment le blé et ses dérivés moyennant un milliard chaque année. Les signes d'essoufflement vont commencer à se manifester avec l'accroissement de l'endettement externe pour l'économie tunisienne. Faut-il revoir notre partenariat avec l'Europe? Le modèle socialiste tunisien sera abandonné au début des années 1970 pour un modèle ouvert sur l'extérieur et les investissements étrangers. Or, affirme M Dimassi, parmi les faiblesses de l'économie tunisienne, l'orientation des secteurs vers l'exportation, notamment envers le marché européen. Etant donné la situation de crise de l'économie européenne, la Tunisie a été touchée de plein fouet. Refonder notre modèle économique est devenu une urgence, d'autant plus que la crise économique actuelle ne fait qu'empirer la situation. Il faudrait diminuer la dépendance vis-à-vis de l'Europe et stimuler la demande intérieure. Ce qui pourra revaloriser la classe moyenne. Mais, faut-il revoir les mécanismes de l'emploi, les salaires, la fiscalité, la sécurité sociale. Sans l'instauration d'un pacte social en Tunisie où on inclut formation professionnelle et mécanisme d'emploi, prélèvements sociaux et fiscaux, le pays ne pourra pas se relever. M Dimassi a clôturé son intervention en appelant à réformer le modèle éducationnel tunisien qui a engendré une inflation de diplômés arrivant sur un marché de travail saturé incapable d'évoluer et de les absorber.