« Les nouvelles forces politiques se sont exprimé sur des thèmes économiques qui tiennent plus de l'utopie, des théories difficiles à mettre en pratique. Des réformes sociales plus populistes que réalisables, du genre dont entend souvent parler lors des campagnes électorales. Ce qui n'aide pas le pays à sortir de son impasse et à décoller sur le plan socio-économique », précise Houssine Dimassi économiste Le modèle tunisien aurait-il atteint ses limites ? Le refonder est devenu une urgence, d'autant plus que la crise économique actuelle ne fait qu'empirer la situation. C'est ce qui ressort du débat organisé par l'Association Houmat Tunisie sur les futurs enjeux socio-économiques de la Tunisie animé par Houssine Dimassi économiste chargé des études et de la formation au sein de l'UGTT. La Tunisie vit une grande mutation politique avec l'inflation des partis. Mais ceci ne s'est pas accompagné d'une vraie métamorphose de l'économie tunisienne qui bute sur plusieurs problèmes et comme l'a précisé le Pr Houssine Dimassi « Ces nouvelles forces politiques se sont exprimé sur des thèmes économiques qui tiennent plus de l'utopie, des théories difficiles à mettre en pratique. Des réformes sociales plus populistes que réalisables, du genre dont entend souvent parler lors des campagnes électorales. Ce qui n'aide pas le pays à sortir de son impasse et à décoller sur le plan socio-économique ». Il est vrai que l'ascenseur social est en panne, le chômage se multiplie, la corruption, la débrouillardise sont devenus les voix empruntées par les citoyens. Les premiers signes d'essoufflement vont commencer à se manifester. Tout d'abord, ce modèle économique et social a été à l'origine d'un important dualisme entre riches et pauvres, villes et campagnes et entre littoral et intérieur du pays. Un constat s'impose : toute la moitié-ouest de la Tunisie est aujourd'hui sous développée comparée au littoral qui assure plus de 80% de la production économique annuelle avec 60% de la population installée sur près de 17% du territoire.). Au point que les habitants de ces régions intérieures ne supportant plus leurs conditions économiques et sociales qui ne cessent de se détériorer. La corruption et la mauvaise gouvernance qui se sont développées dès le début des années 1990 ont bloqué l'économie tunisienne. Le secteur privé, touché par le tâtonnement et les inquiétudes croissantes liées aux pratiques de la corruption et au manque de transparence, a réduit ses investissements. « Une situation financière difficile surtout que avec l'augmentation du chômage des jeunes et la détérioration de la classe âgée avec le déficit des caisses de sécurité sociale. Sans ressources financières, l'économie tunisienne est tombée en panne. L'endettement va s'accentuer. La seule solution est de trouver de nouvelles ressources financières pour booster une économie sinistrée. Ce n'est pas facile pour l'Etat appelé à subventionner les produits de base notamment les céréales et ses dérivés. Un blocage qui s'est répercuté vite sur le social » Quel modèle de développement ? La mise en place d'un modèle de développement d'import-substitution avec une forte intervention de l'Etat a été un échec. M Dimassi devait expliquer que ce modèle sera abandonné au début des années 1970 pour un modèle ouvert sur l'extérieur et les investissements étrangers. On tablait alors sur les exportations avec la loi avril 72 et ce partenariat avec l'Union européenne. Ce modèle de développement ne pourra continuer à fonctionner surtout que l'Europe traverse une crise économique très aiguë. Il a été à l'origine d'un important accroissement de l'endettement externe pour l'économie tunisienne et augmentation des inégalités régionales. La solution c'est de stimuler la demande intérieure afin de redorer le blason de la classe moyenne. Ceci passe par une réforme des mécanismes de l'emploi, des salaires, de la sécurité sociale. « Un nouveau pacte social est nécessaire si on veut instaurer un bon climat social dans le pays ». Le dernier enjeu proposé par M Dimassi c'est la réforme de l'éducation « une des premières réformes qui s'imposent est le changement radical du système éducatif en Tunisie qui était d'un bon niveau sous l'ère de Bourguiba et qui s'est marginalisé durant les 23 dernières années. Les conséquences ont commencé à se faire ressentir avec l'inflation du nombre de nouveaux diplômés et leur insertion difficile dans le marché de l'emploi. « Et là j'appelle à une restructuration de l'enseignement public et l'instauration d'un système qui répond aux attentes de la société tunisienne. Il est crucial que cet air de liberté s'inscrive dans de nouvelles institutions démocratiques et dans un nouveau projet de développement économique qui fera de la Tunisie un nouveau pays émergent ».