Rached Ghannouchi a accordé, samedi 23 février 2013, au « Journal du Dimanche » une interview, juste au lendemain de la nomination de Ali Laarayedh au poste de Chef du gouvernement. Il livre à Alexandre Duyck ses impressions sur nombre de faits dont notamment la perception qu'ont les Français de la Révolution tunisienne, du parti islamiste au pouvoir, et de l'avènement d'un nouveau gouvernement. A propos de la nomination de Ali Laarayedh, le chef historique d'Ennahdha met en exergue le militantisme du nouveau Chef du gouvernement, mais également sa modération et ses bonnes relations avec tous les partis politiques. Avec cette nomination Ghannouchi estime que la Tunisie est entrée dans une nouvelle ère pour la réalisation des objectifs de la Révolution. A la question de savoir pourquoi la Tunisie se trouve secouée par tant de turbulences, M. Ghannouchi l'explique par le passage brusque d'un régime dictatorial à celui d'une complète liberté et qu'il faudra « du temps pour assimiler un tel changement ». Tout en faisant remarquer que « la situation est sensiblement meilleure », le leader islamiste prévoit « pour cette année la rédaction de la nouvelle constitution et de la loi électorale, l'élection (à l'automne prochain) d'une nouvelle assemblée, d'un nouveau président ». M. Ghannouchi juge même que ce nouveau président pourrait être Hamadi Jabali, « qui le mérite amplement et qui est promis à un avenir politique radieux», souligne-t-il. Après quoi, M. Ghannouchi évoque la question des relations tuniso-françaises postrévolutionnaires qualifiant celles-ci de complexes et jugeant que « la France est le pays qui comprend le moins l'islam et les Tunisiens. Le chef d'Ennahdha estime, d'autre part, que les propos de M. Manuel Valls qui a déclaré que la Tunisie est loin de constituer un exemple car développant « un fascisme islamique sont tout simplement offensants pour tous les Tunisiens : « M. Valls ne comprend rien à l'islam ou ne veut pas comprendre » souligne M. Ghannouchi. De ce fait, ses propos sont insultants, selon le leader d'Ennahdha, car « notre parti croit au pluralisme politique et veille à la sauvegarde des différents modes de vie des Tunisiens » Pour ce qui est de l'inscription de la charia dans la constitution, M. Ghannouchi dit ne pas avoir changé de position : « Nous continuons d'affirmer que nous avons besoin d'une constitution et d'un état civil, avec les droits et les devoirs répartis selon les principes de la citoyenneté, la confirmation de l'égalité entre les sexes, du pluralisme politique, de l'indépendance de la justice avec des élections libres et indépendantes, la garantie des droits sociaux et des principes universels des droits de l'homme.