« La migration en France », le rêve quasiment impossible des tunisiens depuis la périphérie de l'Europe. Ce sujet a suscité l'intérêt de plusieurs spécialistes du domaine, ce qui a motivé le magazine « Jeune Afrique » à développer un dossier pour éclairer la population tunisienne sur la situation actuelle et les perspectives à venir. Voici un résumé de ce dossier : Environ 40% des jeunes de 15 à 29 ans espèrent trouver le mieux-être à l'Europe dont 10% de la population vit à l'étranger. Depuis le 1er juillet, des cruciales perspectives s'offrent aux tunisiens avec l'entrée en vigueur d'un accord relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire conclu entre la France et la Tunisie en avril 2008. Désormais, la mobilité entre les deux pays s'étale avec la facilité de la part du France de délivrer le « visas de circulation » aux catégories de « haut niveau » : hommes d'affaires, commerçants, médecins, universitaires, scientifiques, artistes… Concernant les cas humanitaires, les étudiants tunisiens en France peuvent au même temps travailler et continuer leurs études, ils obtiennent des facilités de séjour pour y suivre une expérience professionnelle de six mois et plus. Neuf mille visas par an Un total de 9 000 visas par an partagés selon motif professionnel: • 3 500 visas annuels pour les candidats à un emploi de « salarié ». • 2 500 pour les « travailleurs saisonniers », dans l'agriculture essentiellement. • 1 500 pour les cartes « compétences et talents ». • 1 500 pour les « jeunes professionnels ». Les autorisations de séjour vont de six mois à six ans maximum, selon les catégories. Qui peut émigrer et comment ? La carte de séjour « compétences et talents », qui dispense du visa, s'adresse à une large frange des « cerveaux » : diplômés de l'enseignement supérieur, professionnels, investisseurs… Le critère principal est que le candidat soit « susceptible de participer en raison de ses compétences et talents, de façon significative et durable » au développement de la France et à celui de la Tunisie. Promesse d'embauche La demande est présentée à l'ambassade de France, qui prend la décision dans un délai d'un mois. Le dossier de candidature doit comporter un contrat de travail en France, ou une promesse d'embauche, ou encore une « perspective d'emploi ». La carte, d'une durée de trois ans renouvelable une fois, donne à son titulaire le droit d'exercer toute activité professionnelle de son choix à condition qu'il a sauvegardé au moins deux emplois, ou bien il a présenté un projet comportant un investissement supérieur à 300 000 euros ou porté par une société créée depuis au moins deux ans et déjà implantée en France. Procédure lourde L'acquisition d'une expérience internationale valorisante sur les plans professionnel, linguistique et culturel est possible aux jeunes âgés de 18 à 35 ans, diplômés de l'enseignement supérieur. Le contrat de travail est d'une durée de trois à douze mois, avec possibilité de six mois supplémentaires. Théoriquement, les Tunisiens justifiant d'un contrat de travail ont désormais la possibilité d'accéder à 75 métiers (contre 30 précédemment) dans 17 secteurs d'activité (voir encadré) sur l'ensemble du territoire français. La procédure est lourde cependant, et c'est un véritable parcours du combattant qui attend le candidat qui doit justifier des qualifications et/ou de l'expérience dans le métier qu'il vise. Ce qui est nouveau, c'est qu'au lieu d'un titre de séjour temporaire de six mois, ils bénéficient désormais d'un titre d'une durée de trois ans, leur permettant d'effectuer trois saisons consécutives à condition de justifier chaque année d'un contrat de travail d'au moins quatre mois. Le recrutement se fait à la demande des employeurs auprès des services de l'emploi en France. À première vue, certaines de ces mesures sont séduisantes. Si l'on en juge par les données fournies par l'ambassade de France à Tunis et l'Office, il y a une progression pour 2008, mais l'on est encore loin du compte par rapport aux objectifs fixés par les deux gouvernements. On tablait sur 1 500 cartes « compétences et talents » par an. Il en a été délivré 52 en 2008, soit un rythme de 4 à 5 par mois, et 32 depuis le début de 2009, soit 5 à 6 par mois. La majorité de ceux qui ont émigré avec cette carte sont des ingénieurs informaticiens. Loin du compte Malgré la mobilité des jeunes professionnels, on est là aussi loin de l'objectif, 1 500 individus par an, fixé pour les Tunisiens. En 2007, 62 Tunisiens et 13 Français ont bénéficié de cet instrument ; ils étaient respectivement 165 et 20 en 2008. Le nombre de travailleurs saisonniers admis en France, fixé à 2 500 par an, est passé de 657 en 2007 à 811 en 2008, soit un gros retard par rapport à l'objectif. Pourtant, l'expérience s'est avérée payante en matière de lutte contre l'immigration clandestine, le taux de retour au pays étant de 98%. Pour ce qui est des salariés, le champ d'application de l'objectif de 3 500 bénéficiaires fixé par l'accord entre les deux pays inclut en fait un très grand nombre de Tunisiens vivant en France et qui changent tout simplement de statut. Ce qui fait qu'au total les salariés permanents sont passés de 817 en 2007 à 1 191 en 2008, et les temporaires de 295 en 2007 à 455 en 2008. Là encore, l'objectif est loin d'être atteint puisque l'empilement de dispositifs hésitant entre attractivité, développement et contrôle des flux avec l'insuffisance de promotion du dispositif en France.