Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet insiste pour que ne soient pas oubliées les leçons d'une crise financière particulièrement dure, à présent que le pire semble passé. S'exprimant lors de la traditionnelle conférence annuelle de la Réserve fédérale à Jackson Hole (Wyoming), Trichet a recommandé à ses pairs de tout faire pour que de tels "événements dramatiques" ne se reproduisent pas. "A présent que nous observons des signes confirmant que l'économie réelle semble sortir de sa période de 'chute libre'... l'erreur la plus grossière que nous pourrions commettre serait d'oublier l'importance et l'urgence de cette tâche", a-t-il déclaré, tout en envisageant que le "chemin" à parcourir puisse être "cahoteux". La France, l'Allemagne et le Japon sont sortis de la récession et les Etats-Unis paraissent eux aussi devoir renouer avec la croissance. Wall Street a terminé à un plus haut de 2009, vendredi 21 août, dopée par les propos du président de la Fed Ben Bernanke et par une solide statistique immobilière. Ouvrant la conférence, Ben Bernanke a constaté que la récession mondiale touchait à sa fin, tout en estimant que la croissance serait plutôt molle pendant encore un certain temps. Toutefois, la reprise qui se dessine s'appuie grandement sur les efforts financiers gigantesques consentis par les gouvernements des grandes puissances économiques et des doutes subsistent quant à son ampleur et sa durabilité. De fait, les responsables réunis à Jackson Hole se sont employés à tempérer l'optimisme ambiant en rappelant les difficultés qui restaient à surmonter, comme décider de la manière et du moment adéquats de retirer toute aide publique à l'économie. Ewald Nowotny, membre du Conseil des gouverneurs de la BCE, a dit, samedi 22 août 2009, que la situation économique de l'Europe s'améliorerait au second semestre de l'année mais aussi que la reprise ne serait pas ancrée avant le début 2010. La barrière du zéro Les responsables monétaires et financiers se demandent si les Etats-Unis, qui ont noyé le système financier sous les liquidités pour étayer l'économie et prévenir l'inflation, pourront revenir sur leurs mesures d'aide. Un document présenté lors de la conférence stipule que l'intention avouée de la Fed de maintenir les taux d'intérêt bas pendant longtemps est peut-être incompatible avec son objectif de maintenir une inflation basse. Un constat que n'endosse pas Donald Kohn, le vice-président de la Fed. "L'engagement relatif à des taux bas vise à empêcher l'inflation de tomber encore et encore en deçà de ce que nous souhaiterions sur le long terme", explique-t-il. "Cela n'a pas pour but de relever les anticipations d'inflation". La Fed a ramené les taux quasiment à zéro en décembre et a injecté des centaines de milliards de dollars dans l'économie pour enrayer la pire récession que le monde ait connue depuis la Grande Dépression. James Bullard, président de la Fed de Saint-Louis, a dit, vendredi 21 août 2009, que les marchés ne saisissaient pas bien que l'engagement de la Fed de maintenir des taux exceptionnellement bas pendant longtemps impliquait que les coûts d'emprunt resteraient eux aussi bas au-delà de l'instant où les conventions voudraient qu'elle commence à les relever. Kohn a également défendu l'initiative de la Fed d'acheter des obligations à long terme pour doper la croissance après avoir abaissé les taux autant qu'elle le pouvait. Des économistes, y compris au sein même de la banque centrale, s'interrogent quant à l'efficacité de cette mesure sur les taux du marché. Jürgent Stark, membre du directoire de la BCE, a fait savoir qu'il était peu probable que l'institut d'émission dévie de son objectif d'inflation quantifié et il estime que ramener les taux de la zone euro près de zéro comme l'a fait la Fed risquerait de déstabiliser les marchés. "La barrière du zéro pourrait entraver le fonctionnement des marchés financiers et donc remettre en cause l'impact stimulant de taux très bas", a-t-il expliqué. Certains économistes reprochent précisément à la BCE de n'avoir pas été aussi volontariste que la Fed pour ce qui est d'apporter son soutien à l'activité économique. Ce dont Jean-Claude Trichet se défend. "Reprocher à une banque centrale qui agit avec constance d'être à la traîne est hors de propos", a-t-il argué. "Une approche progressive de cette sorte pourrait bien être l'antidote le plus efficace à toute menace pesant sur la stabilité des prix".