Le Chef du gouvernement, Ali Laarayedh, n'a pas dérogé à ses habitudes de chercher à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. A chacune de ses apparitions, désormais délibérément rares, la déception est invariablement au bout. Le Chef du gouvernement a acquis, au fil de son mandat, le don rare de tromper son monde, sans aucune retenue. L'on n'a pas souvenance que Ali Laarayedh a, dans le passé, autant sous sa casquette de ministre de l'Intérieur que sous celle de Chef du gouvernement, réussi à tenir au peuple le langage de la vérité et de la franchise, ni à lui apporter les réponses à ses lancinantes questions. Bien au contraire, ses propos et le ton aussi tranchant qu'agressif, voire chargé de menaces à peine voilées, laissent une poignante impression de confusion mêlée de mélancolie et de doute. Son intervention du lundi 29 juillet est venue, sur un fond généralisé de consternation et de dégoût, réaffirmer l'intention de son gouvernement de continuer d'assurer ses fonctions, envers et contre tous car, a-t-il dit, « nous avons un devoir et une responsabilité que nous assumerons jusqu'au bout ». M. Laarayedh a ainsi balayé d'un revers de la main tous les griefs accumulés par une bonne partie du peuple contre le rendement de son équipe et le bilan calamiteux de sa charge. « Nous ne nous accrochons pas au pouvoir », a promis le chef du gouvernement, tout en développant la thèse contraire et tout en déclarant, sur un ton ferme, sa disposition à en appeler au peuple. « Nous n'en avons pas appelé à la rue par souci de l'intérêt public mais s'il le faut nous demanderons son choix au peuple par référendum ». Il est à se demander quelle question pourrait être posée lors de cet éventuel plébiscite que M. Laarayedh a omis de préciser. Puis, au milieu d'un enchevêtrement de thèmes, le Chef du gouvernement est venu, une fois de plus, nous proposer le 17 décembre 2013 comme énième date pour les prochaines élections. Et du coup, les travaux de l'ANC relatifs à l'achèvement du code électoral, qui durent depuis de longs mois, pourraient selon M. Laarayedh être achevés en un délai record, estimant que 80% du travail en vue de l'adoption de la constitution avait déjà été effectué. Cette date du 17 décembre est perçue comme hautement symbolique, s'agissant du jour où Bouazizi s'est immolé par le feu. Puis Laarayedh a assuré que le « gouvernement reste ouvert au dialogue pour améliorer l'efficacité de son action aux multiples plans économique, social, sécuritaire.» C'est, a-t-il soutenu, le seul moyen de trouver des solutions aux problèmes actuels, lançant une invite « à tous les Tunisiens, partis, associations, afin d'éviter de se laisser entraîner dans les appels vers l'inconnu, le chaos et la violence. » Toutefois, et concernant l'assassinat de Brahmi, M. Laarayedh a fustigé « ceux qui ont instrumentalisé ce drame pour des intérêts partisans étroits appelant à la chute du gouvernement ». Encore une fois, en un moment critique de l'histoire du pays et alors que le peuple attendait un discours responsable et des mesures destinées à sortir le pays d'une crise multiforme aiguë, le Chef du gouvernement a choisi la fuite en avant, prenant fait et cause pour son parti et se montrant incapable d'envoyer le moindre signe d'ouverture pour une union sacrée en faveur de l'avenir du pays. Bien au contraire, la certitude est de plus en plus acquise que ce gouvernement est incapable de mener le pays au salut, outre sa constance à ne point reconnaître son incompétence et ses erreurs. M. BELLAKHAL