La visite effectuée par les trois présidents à Bizerte pour se recueillir sur l'âme des martyrs tombés sur le champ d'honneur n'a pas fait que des contents. Loin s'en faut ! La preuve en est donnée par les vives réactions de Bizertins relevées sur la toile. La grogne des Bizertins est allée jusqu'à un rejet pur et simple des lois de l'hospitalité les plus élémentaires, certains déclarant tout de go qu'ils [les trois présidents] n'étaient pas les bienvenus, d'autres appelant à bloquer le pont pour les empêcher d'entrer en terre bizertine…La raison en est, d'après nos investigations, d'avoir avancé au 14 une commémoration historiquement fixée au 15 octobre. D'avoir accepté le fait n'est, selon une grande majorité de la population, qu'une nouvelle preuve de la volonté des gouvernants de changer l'histoire du pays. « Après tout, Bizerte et ses martyrs valent bien une côtelette!» disent-ils à l'envi. Et puis, les préparatifs à cette fête font curieusement penser aux pratiques passées, consistant en une mobilisation considérable de moyens et de fonds pour la réalisation de travaux de nettoyage, de réfection et d'embellissement ponctuels, entrepris de longues semaines à l'avance. Sans oublier la gêne ressentie par les citoyens qui ont été bloqués des heures durant sur l'itinéraire menant du gouvernorat au mausolée des martyrs. Tout cela, pour une cérémonie qui a duré à peine une demi-heure, le temps de réciter la Fatiha et d'échanger entre compères des banalités ». Ensuite, la visite effectuée par le président provisoire de la République à l'île de la Galite a suscité davantage de critiques que de louanges. Officiellement, Moncef Marzouki est allé en pèlerinage sur les lieux où Bourguiba a passé des années d'exil. Pour les persifleurs invétérés, il y est allé en croisière et se payer du bon temps. Quant à la visite du ministre de la Justice, Nadhir Ben Ammou, rendue à la prison El Nadhour pour s'enquérir des « conditions de travail du personnel des prisons », elle est malvenue en ce jour de recueillement, car elle nécessitait une programmation spécifique et davantage qu'un saut entre deux emplettes. Bref, la population bizertine (qui a préféré ne pas assister à la cérémonie) a ajouté de nouveaux griefs contre les gouvernants dont ils assurent qu'ils pensent davantage à leurs intérêts propres qu'à ceux du pays en général et des régions en particulier. Car, rappellent-ils à juste titre, ces visites ont toujours été une belle occasion pour l'annonce de bonnes nouvelles et de nouveaux projets en faveur de la ville. M. BELLAKHAL