La sphère civique en pleine ébullition se traduit par l'effervescence des formes associatives qui nous permettent de réussir cette transition démocratique en Tunisie, comme l'ont précisé les participants au forum de Réalités sur les mouvements sociaux et la société civile dans les transitions démocratiques, un panel animé par Zyed Krichen rédacteur en chef du magazine. Cette société civile regroupe des mouvements, des organisations, des associations et des ONG. La multiplication de ces associations a contribué à relancer le débat sur la société civile, dans un questionnement sur les nouveaux mouvements sociaux après la Révolution. « À la lumière des événements politiques majeurs intervenus récemment en Tunisie, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si la société civile émergente est capable, dans un futur proche, de réussir un saut qualitatif d'envergure et devenir un partenaire constructif dans ce processus de transition démocratique ou si, au contraire, elle est condamnée à rester un acteur marginal et marginalisé », a précisé Ziad Krichène. La société civile tunisienne était absente, alors qu'elle peut jouer un rôle déterminant a affirmé Raja Basli, secrétaire générale de l'Association Génération Tunisie libre : « Il est vrai que depuis longtemps, on était marginalisé et démuni, voire frustré de participer à la vie de notre cité. Je me demande si nous étions vraiment des citoyens au sens moderne du terme. Durant ces périodes difficiles, la société civile ne peut donner que ce dont elle dispose et rien de plus. Dans ce contexte, certains veulent, à l'aveuglette, en faire un fourre-tout, ce qui n'est pas adéquat avec son message. On ne connaît pas très bien la société civile, de façon globale. La société civile même ne se connaît pas très bien, elle n'est pas consciente de sa force ou bien elle pense qu'elle n'a pas de force. Après le 14 janvier, on s'est rendu compte qu'il faut bouger. On a constitué une association citoyenne pour faire entendre notre voix et réaliser plusieurs actions de sensibilisation en vue de participer à cette transition démocratique que vit notre pays ». Zohra Bellil partage l'idée de Basli en avouant que cette société civile a été longtemps marginalisée et réduite à un rôle d'observateur. Le processus démocratique tunisien avant la révolution était fragile en raison de l'insuffisance de culture démocratique et de citoyenneté. La fragmentation de la société civile et sa faiblesse à constituer un contre pouvoir crédible sont également une manifestation du déficit démocratique dans notre pays. Les associations sont appelées à jouer un rôle fondamental dans la construction de la société civile en tant que : contrepoids organisés face aux organes de l'Etat, espaces de participation démocratique et espaces de formation du citoyen à la participation civique. Cette société civile a besoin de parler d'une seule voix, de s'opposer au despotisme. Noomane Rekik, universitaire, estime que cette société civile, hétérogène n'est pas, dans sa globalité, consciente d'elle-même. Beaucoup d'organisations ignorent qu'elles sont dans un grand mouvement des organisations de la société civile. De nos jours, la société civile démocrate et citoyenne a un double rôle de soutien mais aussi de régulateur. Eugène Van Kemenade, conseiller politique, a fait remarquer que la société civile a un rôle important à jouer dans l'enracinement de la démocratie et l'amélioration de la gouvernance en Tunisie. Elle est appelée à s'impliquer dans cette transition démocratique et à réfléchir pour apporter sa contribution à la sauvegarde d'un environnement électoral sain et à dire son mot sur l'avenir politique du pays. La société civile a une grande responsabilité politique. Elle doit être présente dans la sphère politique et ce n'est pas par hasard que plusieurs ONG se sont transformées en partis politiques. Nabila Hamza, Présidente de Foundation For Future, une organisation indépendante financée par l'ONU dans le cadre de son programme de soutien à la démocratie, les droits de l'homme et des entités de la société civile dans le monde, a estimé que démocratie et société civile forment un couple indissociable : « De nos jours on assiste aussi à la prolifération du nombre des associations islamistes et là, ces associations font-elle partie de la société civile ? Jouent-elles un rôle important dans la sphère politique tunisienne ? Si nous voulons instaurer une nouvelle société civile, il faudrait être vigilant et éviter tout dérapage, car on risque que la dictature revienne de nouveau et là il faudrait conférer à la société civile un rôle précurseur dans la résistance à l'autoritarisme et au despotisme ». Jean Pierre Cassarino politologue italien estime que le rôle de la nouvelle société civile en Tunisie est de véhiculer un nouveau langage et une nouvelle manière de penser. Elle peut influencer le discours politiques mais elle ne doit pas rester isolée. Au contraire, son apport dans cette transition démocratique est important, voire décisif, pour l'édification de la démocratie de demain. Et comme l'a affirmé Ibrahim Debache, vice président d'Idéal Démocratique, « pas d'exclusion qui pourrait avoir des conséquences graves. Le rôle de la société civile est d'accompagner cette transition démocratique surtout que le dernier sondage a approuvé que 70% des Tunisiens ne savent pas pour qui voter ? Et là c'est tout l'enjeu, car le rôle des associations est d'éclairer l'opinion et enrichir cette culture politique. Zied Krichène a appelé à moraliser la vie associative en contrôlant son financement surtout étranger qui pourra conduire à une dérive. Il faudrait fixer des normes éthiques pour la bonne marche de ces associations. Le dialogue entre les différentes composantes de la société civile est indispensable ; un dialogue participatif, ouvert, tolérant, confiant capable de fonder des consensus forts, prenant en compte les intérêts de chacun, à condition qu'ils soient compatibles avec la morale et l'éthique.