Par M'hamed JAIBI Deux mises en cause de textes légaux de première importance, annoncées lundi, viennent tirer la sonnette d'alarme quant au tournant éminemment alarmant que prennent les événements dans notre pays qui semble aux prises avec une avalanche de phénomènes déstabilisants. La première est que le Tribunal administratif a décidé de prononcer l'annulation du décret-loi présidentiel n°2011-13 du 14 mars 2011, portant confiscation d'avoirs et de biens meubles et immeubles qui étaient en possession de la famille et des proches de l'ex-président Ben Ali. Le tribunal invoque le fait que ce décret-loi, promulgué par le président Foued Mebazaâ, n'a pas été confirmé par une procédure d'adoption ni par l'ancien parlement, ni par l'Assemblée nationale constituante, ni par l'actuelle Assemblée. Cette décision de justice est de nature à causer des remous sérieux autant auprès de l'opinion que dans le monde des affaires où les investissements peinent déjà. Car les confiscations, qui avaient calmé les esprits en ces moments de rage révolutionnaire, ont souvent été suivies par la cession d'entreprises dynamiques dont plusieurs sont cotées en Bourse. La seconde est le fait de l'Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, qui a considéré que la loi ayant créé le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est inconstitutionnelle. C'est à la demande de 28 députés de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) que cette instance créée par la «petite constitution» a statué. Sachant que certains juristes la considèrent dissoute ou «incompétente», et que d'autres estiment qu'elle n'est pas habilitée à examiner les lois déjà adoptées. L'instance a considéré, notamment, que «ledit projet de loi ne respecte pas les procédures d'examen du texte de loi par l'Assemblée». Ce à quoi le président de la commission de législation générale a répondu que «l'instance n'est pas concernée par les procédures». Faut-il rappeler que l'adoption de la loi créant le CSM s'est faite dans les extrêmes limites des délais impartis par la Constitution, et que son éventuelle invalidation — même par le président de la République — serait un véritable casse-tête. Ces deux nouvelles pierres lancées à l'encontre de notre processus national de normalisation viennent compléter une véritable avalanche d'événements inopportuns concourant à faire craindre le pire pour le pays. Avec un Daech qui s'installe en Libye, une cabale à la recherche d'un pétrole non découvert, des grèves salariales en veux-tu en voilà, des régions vivant de la mine qui bloquent la production de phosphate, un tourisme que l'attentat du Bardo a fini par mettre entre parenthèses... et des bailleurs de fonds et investisseurs qui exigent des «réformes douloureuses», le pays est servi. Une seule lueur de sursaut, celle que porte le nouveau Dialogue national élargi que prônent aussi bien les partis au gouvernement que le Front populaire et l'Ugtt, et dont autant Rached Ghannouchi que Hamma Hammami se font désormais les champions.