Par Mohamed Ridha BOUGUERRA Notre pays est en guerre ! En guerre, depuis des années déjà, contre la misère, contre l'ignorance, contre le sous-développement, contre le chômage, contre les inégalités sociales et régionales. Aujourd'hui, c'est une autre et nouvelle guerre que nous sommes condamnés à affronter et, surtout, à gagner car il y va de notre survie en tant que nation. La guerre contre le terrorisme et ses cellules dormantes tapies dans nos cités, banlieues et montagnes et prêtes à passer à l'action dès le premier signal. La guerre contre le terrorisme en stand by à nos frontières sud où Daech, embusqué, attend, lui aussi, impatiemment son heure. Mais sommes-nous vraiment pleinement conscients de tous ces dangers qui nous guettent ? N'y aurait-il pas parmi nous certains qui, objectivement, consciemment pour les uns, inconsciemment pour d'autres, sont en train de prêter main-forte à l'ennemi redoutable qui a juré la fin de l'expérience démocratique unique initiée par la Tunisie post-14 janvier ? Un ennemi à l'œuvre déjà si l'on en juge d'après les troubles qui sont en train de secouer villes et villages du sud les uns après les autres. Avec la secrète intention de porter atteinte à l'unité du pays en semant la zizanie et la discorde entre les différentes régions et couches sociales du pays en brandissant le slogan trompeur de « winou el petrol ? » (Où est le pétrole ?). Comment alors ne pas céder aux rumeurs et finir par croire à l'existence d'une Cinquième et redoutable colonne infiltrée évoluant comme un poisson dans l'eau parmi nous et déjà passée à l'action ? Car, pour légitimes que soient les revendications des manifestants et protestataires d'El Faouar, Tamarza, Douz, Kébili ou Souk Lahad et leur exigence d'une impérative transparence dans toute transaction passée ou à venir relative à nos richesses nationales, cela implique-t-il, nécessairement, les incendies des postes de police et de la garde nationale ? C'est là une drôle de manière d'attirer des investisseurs tant locaux qu'étrangers et de les rassurer quant à la pérennité de leurs futurs projets ! À moins que le vide sécuritaire et l'absence de tous les représentants de l'Etat ne servent des desseins peu avouables mais clairement identifiables ! Les circonstances étant ce qu'elles sont, que faire alors pour contrecarrer les graves dangers qui nous guettent ? Ne faudrait-il pas commencer, d'abord, par décréter une mobilisation générale où se trouveront impliquées toutes les forces vives du pays ? Seule, cette mobilisation générale serait, néanmoins, insuffisante à parer aux menaces, tant intérieures qu'extérieures, sur le point de fondre sur nous. Aujourd'hui, il s'avère urgent de planifier une mobilisation sociale et économique, une sorte d'économie de défense que tout Etat en guerre est amené à mettre en œuvre afin que l'intendance suive comme l'on dit. Ou, plus précisément, afin que la guerre puisse être gagnée. Cela ne pourra pas, cependant, passer sans sacrifices, hélas, bien évidemment. Ici, le sens civique et celui des responsabilités imposent à tous de conjuguer nos efforts afin de mettre une sourdine, ne serait-ce que momentanément, à la vague de tensions sociales qui est en train de secouer le pays. Pour légitimes qu'elles soient, les revendications des sans-emploi et celles des différents corps de métiers ne sont pas plus légitimes ni plus urgentes que l'impératif de gagner la guerre qui nous est imposée et où le sort du pays se joue si l'on considère les menaces daechiennes à nos frontières avec la Libye. Aussi, il n'est plus temps de penser à faire des profits en soutirant quelques dinars supplémentaires à un gouvernement qui n'en peut plus ! Le salut de la Tunisie ainsi que celui de son modèle de société sont tributaires de la réussite de cette phase sociale et économique pénible où la recherche du gain personnel aux dépens de l'intérêt général devient un crime contre la nation. Un seul et unique souci devrait, désormais, animer nos responsables politiques et syndicaux, celui d'accroître les moyens matériels permettant à l'Etat de tenir tête à nos ennemis et de les vaincre. L'argent n'est-il pas le nerf de la guerre ? Il faudrait alors commencer par décréter un moratoire sur les grèves et les augmentations des salaires qui prendra fin avec les relevailles d'une Tunisie en gestation et fortement endolorie actuellement. Mais aussi, et afin d'équilibrer le fardeau de cet effort de guerre exceptionnel qui ne doit pas peser sur les épaules des seuls ouvriers, employés et fonctionnaires, créer un impôt sur la fortune, des taxes sur les transactions boursières et bancaires et autres mesures de justice fiscale. Rationaliser, d'autre part, nos importations ruineuses en devises, afin d'en bannir certains produits qui ne sont pas d'une nécessité absolue par les temps qui courent et dont les prix scandaleusement élevés sont une injure pour tous ceux qui subissent la cherté de la vie et la cure d'austérité que leur infligent les ressources limitées d'un Etat en guerre. Il n'en reste pas moins vrai que le gouvernement est impérativement invité à faire un élémentaire effort pédagogique afin d'expliquer l'urgence de certaines décisions douloureuses et obtenir l'adhésion en masse des Tunisiens à cette inévitable économie de guerre.