Par Mohamed BOUAMOUD Auront-ils lieu? N'auront-ils pas lieu? Plus personne, pas même les artistes eux-mêmes, ne sait si la suite des programmes du festival international de Carthage se déroulera comme prévu. Tout, notamment la culture, est devenu à la merci de la situation sociale et politique qui prévaut dans le pays. En fait, ce n'est ni le social ni le politique (ou juste un peu) qui en sont les responsables, mais cette malédiction salafiste qui, appuyée et financée par on ne sait qui, fait depuis déjà bien des mois, et à elle seule, la pluie et le beau temps —quel beau temps? Juste la pluie, l'orage et... le sang—, tant la sécurité, censée... sécuriser citoyens et biens publics, est elle-même prise de court et attaquée de front, au grand désarroi de la population qui ne sait plus à quelle défense se cramponner et faire confiance. Aussi, en est-on arrivé à se demander s'il était judicieux et raisonnable de maintenir, dans un contexte aussi ténébreux, les festivals d'été comme par le passé. Et si, puisque les dés sont jetés, il faudrait maintenant en profiter et narguer les semeurs de troubles. A dire vrai, la situation est devenue autrement complexe : avec quelle indifférence insolente profiter du plaisir des festivals, alors que dans le même temps des familles tunisiennes pleurent encore leurs morts lâchement assassinés? Mais aussi, comment baisser les bras (annuler tous les programmes) et laisser entendre aux criminels qu'ils ont haut la main gagné la partie contre toutes les valeurs humaines? Des deux maux, il faudrait, nous semble-t-il, choisir le moindre. Et le moindre consisterait à ne pas lâcher prise, à ne pas se déclarer vaincu, à ne pas donner cette horrible impression que l'Etat n'en est plus un, perdu et battu à plate couture. Osons le mot, puisque c'est notre réalité d'à présent : oui, nous sommes en guerre contre des mercenaires ignobles, sans foi ni loi ni scrupule ni morale et dont l'objectif, devenu clair et criard, est de tenir les rênes du pays en usant de violence pour traumatiser la population. Mais dans toute guerre, on ne gagne rien à abdiquer vite, à fuir le front et laisser faire à leur guise les hommes des ténèbres. Bien au contraire, il faut faire front et persuader les ennemis de la liberté que l'Etat est toujours là, imperturbable, inflexible et, au besoin, intransigeant et ferme. Pour ce, toutes les armes sont permises, à commencer par la culture qui, si elle n'est pas redoutable sur le terrain, a au moins le mérite d'agir en tant que facteur de paix, unificateur, fédérateur et illuminateur des esprits. Aussi, ne chambardons plus rien, n'annulons plus rien et continuons à faire ce qui était décidé de faire. En clair, ne nous déclarons pas vaincus.