Par M'hamed JAIBI Le parti du président de la République, aux prises sur le terrain avec les réalités du pouvoir et la gestion des rivalités internes, semble s'accrocher à son sauveur, Mohsen Marzouk, plébiscité par le bureau politique. Or, le nouveau secrétaire général, bien que fort d'une durable proximité d'avec le fondateur du parti, notamment en sa qualité de conseiller politique à la Présidence, rencontre de sérieuses difficultés à colmater les brèches et à concilier les clans, dans la perspective d'un congrès national pouvant redonner l'initiative au parti vainqueur des élections. Le 3e anniversaire Le grand meeting qu'organise le parti en commémoration de sa fondation, mardi à la coupole d'El Menzah, se présente comme l'occasion propice de retrouvailles que les divers groupes de militants attendent et que l'opinion souhaite. Cette dernière constate que le parti, qui a réussi, en à peine deux années, à renverser les rapports de force et à rétablir dans leurs droits la modernité et la tunisianité, n'occupe actuellement que partiellement le terrain, laissant les municipalités et les régions aux autres formations, dont en premier lieu son rival Ennahdha et toutes sortes d'oppositions qui s'appliquent à encercler et déstabiliser le gouvernement et l'Assemblée. Un tableau kafkaïen Certes, la majorité parlementaire portant l'alliance gouvernementale est confortable et semble solide, mais les surprises restent possibles, comme l'a bien montré l'engouement des nahdhaouis à se porter sur le nom du candidat Marzouki, contre la consigne de leur direction. Ce que nous voyons, à travers la montée des grèves revendicatives et la fronde régionale, de plus en plus violente et irrationnelle, à l'image de «Winou el petrol», c'est que le leadership de Nida Tounès, doublement victorieux aux législatives et à la présidentielle, n'apparaît désormais que faiblement, laissant un sentiment de frustration prendre le dessus chez les Tunisiens dans les régions et les localités. Sachant que l'économie peine à redémarrer, que le terrorisme resserre sa menace et que l'ambiance générale n'est pas à la reprise en main. Apporter leur part à l'effort national Les militants et électeurs nidaïstes de la base, n'ont, dans ces conditions, nullement l'impression d'être un parti au pouvoir, et ne savent plus comment jouer leur rôle et apporter leur part à l'effort national de réforme que la situation du pays exige et que la Révolution n'a pas manqué de revendiquer. Et la levée de boucliers opérée suite à la formation du gouvernement Essid, contre l'inclusion d'Ennahdha, a compliqué le tableau et brouillé les cartes, portant un flou sur le projet politique de Nida Tounès qui d'adversaire du parti islamiste est devenu, paradoxalement et au même moment, son allié pour la reconstruction. De sorte que les attitudes à l'égard du «projet nahdhaoui» s'entrechoquent désormais dans les bases de Nida Tounès et chez les citoyens qui sont, naturellement, aux prises avec les multiples problèmes concrets de la vie quotidienne que gèrent, en fait, les «délégations spéciales» des différentes municipalités, où Ennahdha reste très présente. Réunifier les structures Cette situation aurait pu être convenablement gérée par les structures régionales et locales du parti, mais peut-on vraiment parler de structures, lorsque l'on sait qu'elles se résument à de simples «coordinateurs» secondés par une petite équipe désignée ? Surtout après les cafouillages de l'élaboration des listes pour les législatives, qui ont divisé le parti en éligibles et réservistes, et confié aux équipes de campagne électorale le leadership effectif des structures dans la plupart des régions. Le fait nouveau, c'est qu'en se hissant au rang de vice-président du parti, Hafedh Caïd Essebsi lâche les structures. Mais ces structures, divisées et faibles, parfois décriées, sont là, et Mohsen Marzouk doit composer avec. Tout en s'accordant, comme il l'a affirmé, la nécessaire liberté de les ouvrir sur toutes les énergies militantes s'étant trouvées écartées ou marginalisées. Une liberté à la rencontre de laquelle tous les groupes de militants dans toutes les régions devront se manifester. Afin que le meeting de mardi puisse être réellement un nouveau départ, celui de l'unité retrouvée... en direction du «congrès national consensuel» vers lequel Marzouk veut conduire Nida Tounès, en un mouvement d'ensemble prenant l'allure d'un sursaut.