Samir Sellami, président du comité d'organisation de l'événement : « Nous voulons faire de Sfax la locomotive du tourisme culturel en Tunisie. Avec ses atouts, Sfax peut vraiment prétendre jouer ce rôle » «La ville de Sfax est une ville magnifique ! Ce n'est pas seulement la médina, c'est aussi un carrefour de civilisations ! Lorsque je me place du côté de la Kasbah, je peux voir en même temps l'église orthodoxe, la cathédrale, la mosquée Sellami et la synagogue ! N'est-ce pas formidable ?». Les yeux pétillants d'un enfant émerveillé, excité à l'idée de mettre en œuvre un projet, le président du comité d'organisation de l'événement « Sfax capitale de la culture arabe 2016 », Samir Sellami, semble à la fois fier, serein et angoissé en nous accueillant au tout nouveau siège du comité, d'où sera piloté l'ensemble du programme des festivités. Nommé en décembre dernier et jouissant de la confiance du ministère du Tourisme, Samir Sellami est contraint par le temps et un budget anorexique pour faire de Sfax la capitale culturelle du monde arabe. A titre de comparaison, la ville algérienne de Constantine a organisé le même événement avec près de 15 milliards au porte-monnaie rien que pour les activités culturelles. Sfax, elle, ne dispose que de 10 milliards pour se faire belle et accueillir ses invités. Le chef du gouvernement Habib Essid a néanmoins promis : il accordera une rallonge budgétaire au fur et à mesure que les travaux avancent. « De toutes les manières, ce genre d'événements est un prétexte pour embellir la ville de Sfax », nous confie le député sfaxien Badreddine Abdelkéfi, qui tient à ce que la ville soit également l'hôte des Jeux méditerranéens en 2021. C'est que Sfax manque cruellement d'espaces culturels et même ceux qui existent sont dans un état délabré. Un spectacle qui avait « choqué » la ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, Latifa Lakhdhar. « Le budget alloué à l'événement est dérisoire. Il n'a aucune commune mesure avec celui accordé à Constantine en Algérie cette année, estime, perplexe, Fakhri Fourati, président de l'association « Sfax Mezyena ». Allez regarder l'état de notre théâtre national, le complexe culturel Jammoussi ou encore l'état du festival international de Sfax qui n'arrive toujours pas à se hisser en haut des festivals d'été ». Chott-El-Kreknah et les lumières Mais qu'importe le budget, qu'importe la pression du calendrier, Samir Sellami, son équipe et les cadre du ministère de la Culture comptent sur la synergie des volontés. Le président du comité d'organisation tient à nous faire lui-même visiter des sites auxquels il compte apporter des transformations majeures. Et c'est dans une zone magnifiquement dessinée située entre deux plans d'eau que Samir Sellami nous emmène. « Regardez bien cet endroit, on l'appelle Chott-El-Kreknah, dit-il. Maintenant, imaginez cet endroit vide de camions stationnés que vous apercevez, imaginez un espace totalement réaménagé dédié à la jeunesse et à la culture, c'est beau hein ? On pourra accueillir des artistes du monde entier, ce sera l'espace de la jeunesse et de l'Art ». L'idée est là, mais pas encore de projets définitivement tracés pour le terrain utilisé pour le moment en tant que dépôt à gros camions. Les organisateurs comptent sur la participation et surtout l'implication de la société civile dans la réalisation de ces projets». Ce n'est pas le seul projet au menu ambitieux du comité. Pour se faire distinguer dans la fête, la ville de Sfax va également s'habiller d'un éclairage artistique pour montrer à quel point elle peut être belle. En effet, le programme approuvé récemment prévoit d'éclairer le mur de la médina pour le mettre en valeur et créer un parcours culturel. Seulement, le mur a pris un petit coup de vieux (eh oui ! les remparts ont été construits au 4e siècle), il aurait besoin d'un lifting. En termes plus scientifiques, les murs de la médina devront être restaurés pour que l'éclairage prévu prenne vraiment tout son sens. Le hic, rien dans le budget n'a été consacré à une telle entreprise. C'est en fait la mission et la vocation de l'Institut national du patrimoine (INP) qui doit entretenir les sites archéologiques. Mais selon certains de nos interlocuteurs, l'INP n'a pas forcément les moyens pour un tel chantier. Et pour les organisateurs de l'événement culturel, pas question de mettre à contribution un budget déjà insuffisant dans le financement de ces travaux. Objectif : patrimoine universel de l'Unesco Outre le projet de vêtir la ville d'un drap de lumière, le programme transformera la vieille cathédrale peu mise en valeur, en une médiathèque pour 45.000 étudiants, ainsi que l'aménagement d'une «rue pilote» capable de montrer l'exemple en termes d'esthétique et de bonne gestion. Pour que le programme soit homogène, l'Etat a exigé que le président du comité d'organisation nomme « un programmiste ». Il s'agit d'une entreprise culturelle d'événementiel chargée de doter l'événement d'une « vision cohérente et de créer des relations entre les différents sites de Sfax ». « Nous voulons faire de Sfax la locomotive du tourisme culturel en Tunisie. Avec ses atouts, Sfax peut vraiment prétendre jouer ce rôle », nous explique avec enthousiasme Samir Sellami. Sfax est maintenant dans la « short-list » (liste restreinte) des prétendants à figurer dans le patrimoine universel de l'Unesco. Un titre que la ville ne compte pas acquérir à la seule beauté de sa médina, mais aussi et surtout grâce à la diversité de son patrimoine. Dans un document interne, le « programmiste » souhaite « donner un signal fort d'ouverture sur le monde et valoriser un héritage de l'époque coloniale : la réhabilitation de la cathédrale en un équipement culturel phare ». Sfax, capitale de la culture arabe devra être prête en avril 2016, mais les organisateurs souhaiteraient repousser « l'ouverture » au mois de juillet. A la précipitation, Sfax préfère l'efficacité.