La mobilisation citoyenne à l'encontre du terrorisme et des semeurs de mort ne doit en aucun moment nous écarter de lever le voile sur les pratiques auxquelles se livrent certaines ONG internationales. Un collectif d'ONG vient d'envoyer aux députés du Bardo une lettre ouverte de 9 pages les appelant à une refonte quasi totale du texte de la loi antiterroriste. Leurs recommandations sonnent comme des ordres. Ont-elles le droit de le faire et que faut-il faire pour éradiquer leur interventionnisme avant qu'il n'enfle davantage ? A l'époque de la rédaction de la Constitution, les constituants issus des élections du 23 octobre 2011 ont pris la décision de partir d'une feuille blanche en vue de produire le texte fondamental qui allait organiser la vie politique post-révolution et d'écouter tout le monde, y compris les organisations et associations spécialisées, qu'elles soient tunisiennes ou étrangères. Et ce fut un défilé continu des experts autoproclamés et d'ONG qui venaient à peine de se constituer pour débiter devant les différentes commissions constituantes leur savoir qui s'est révélé à la fin non concluant et les Tunisiens se rappellent la fameuse copie de la Constitution en date du 1er juin 2013 qu'on a dû revoir de fond en comble pour aboutir à la copie du 27 janvier 2014 finalement adoptée par l'ANC comme la Constitution de la IIe République. Aujourd'hui et après les législatives du 26 octobre 2014 qui ont abouti à l'élection de l'Assemblée actuelle des représentants du peuple (ARP) présidée par Mohamed Ennaceur, un vieux routier de l'action politique, on croyait que nos députés partis pour siéger cinq ans durant au palais du Bardo allaient prendre leur courage à deux mains et assurer eux-mêmes la mission pour laquelle les électeurs les ont choisis, à savoir élaborer les lois organiques qui vont concrétiser les objectifs de la révolution. Malheureusement, ils ont continué sur les traces de leurs prédécesseurs et ont ouvert la voie à toutes les associations et organisations pour proposer leurs approches et leurs observations sur les lois fondamentales que l'ARP est tenue d'examiner et d'adopter. Et la loi organique sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent examinée à l'heure actuelle au palais du Bardo et devant être adoptée d'ici le 25 juillet comme l'a promis le président de l'ANC, de relancer le débat : faut-il écouter ces ONG et que faut-il faire quand ces mêmes ONG prennent l'initiative d'envoyer des lettres ouvertes aux députés leur dictant ce qu'ils doivent faire pour aligner les textes législatifs à adopter aux desiderata de ces mêmes organisations et à leurs exigences. Tout est à refaire C'est le cas de la lettre ouverte (dont une copie est parvenue à La Presse) envoyée aux députés par un collectif d'ONG se présentant comme étant protectrices des droits de l'homme (Amnesty, Fidh, ASF, RSF, HRW, Article 19, etc.) Cette lettre consistant en un document de neuf pages contient pratiquement «les recommandations» que les députés doivent suivre afin que le texte de la loi antiterroriste soit adapté aux normes qu'épousent ces organisations, estimant que leur respect est inéluctable, sinon la loi sera considérée comme non conforme aux normes internationales en la matière, plus particulièrement pour ce qui est de la protection des droits des prévenus terroristes. De la définition du crime terroriste aux comportements des parents des prévenus terroristes (doivent-ils dénoncer leurs enfants avant qu'ils ne passent à l'action ou non ?) à la marche même de l'instruction dirigée par les juges spécialisés, les auteurs du document proposent une refonte presque totale du projet de loi en question. S'agit-il d'une forme d'ingérence de la part de ces organisations qui participent à l'élaboration des dispositions de la loi en question puis se permettent de critiquer publiquement le contenu de la même loi considérant que leurs remarques n'ont pas été prises en compte ? Un comportement qui pousse à la réflexion Ces pratiques sont-elles acceptables dans un régime démocratique et surtout de la part de décideurs politiques élus précisément pour légiférer au sein d'une institution constitionnelle, l'ARP, où les députés prennent leurs décisions en toute souveraineté, loin de toute forme de pression aussi amicale soit-elle ? Pour Abderrazak Hammami, secrétaire général du parti du Travail patriotique démocratique, «il est normal, dans les sociétés démocratiques, que les organisations et associations de la société civile prennent l'initiative de faire connaître leurs positions quand un débat général est lancé sur une question déterminée. On ne peut pas empêcher, par exemple, la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, quand il s'agit de réviser la durée de la garde à vue ou d'exiger la présence de l'avocat lors de l'instruction dans les locaux de la police. Mais quand ces organisations sont sollicitées à n'importe quel moment au point qu'elles deviennent conseillères et qu'elles finissent par imposer leurs opinions, cela devient une sorte de vol qualifié de compétences accordées par la loi à des institutions créées pour exercer ces compétences. Et quand ces institutions acceptent d'ouvrir leurs portes et leurs dossiers à ces mêmes organisations, le résultat est là : ces organisations deviennent les véritables détentrices des pouvoirs légués aux institutions qui, sous le faux prétexte de l'approche participative, abandonnent d'elles-mêmes leurs attributions et se contentent du rôle de l'exécutant de recommandations qui sont en réalité des ordres obéissant à des agendas connus». Notre interlocuteur poursuit son analyse : «Quand on sait que ces ONG ne sont pas toutes au-dessus des soupçons et que plusieurs parmi elles ont poussé ces dernières années comme des champignons sans que l'on sache qui les finance, on a le droit de refuser qu'elles interviennent dans nos affaires intérieures et qu'elles exercent cette pression étouffante sur nos députés. Si à l'époque de la rédaction de la Constitution, il était acceptable de recourir à l'aide ou à l'expertise étrangère, aujourd'hui, il n'en est plus question. Tout simplement parce que nous disposons d'institutions stables qui doivent accomplir les fonctions que la Constitution leur attribue. Et s'il y a des remarques à exprimer sur la loi antiterroriste ou des rajouts à proposer, ce sont les partis politiques qui en ont la responsabilité. En tout état de cause, ces ONG ne doivent se transformer en partenaires dans notre vie politique, à la voix écoutée, voire aux ordres appliqués les yeux fermés».