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Pourquoi j'ai accepté de siéger à l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi ?
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 05 - 2014


Par Pr Leïla Chikhaoui*
... Ou quelques réflexions à propos de la conformité à la norme suprême de la loi n° 2014-13 du 18 avril 2014 relative à l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi
La Tunisie s'est dotée le 27 janvier 2014 d'une nouvelle Constitution, dont le processus d'élaboration demeure unique en son genre au sein d'un pays sortant de deux dictatures successives, l'une « éclairée » et la seconde dite «responsable». L'on ne pouvait en attendre moins des descendants d'Alyssa, d'Hannibal et d'Ali Ben Ghedhahem !
Ce nouveau «contrat politicio-social» met en exergue des acquis dignes des principes des lumières (liberté, égalité, justice, procès équitable...) complétés par la consécration de nombreux droits de l'Homme de seconde et même de troisième génération (droit à l'eau, à la santé, à un environnement sain...) qu'aucun amendement ne saurait remettre en cause, selon l'article 49 du même texte fondateur !
C'est dans ce contexte et afin de conforter et de renforcer la valeur de ces principes d'un point de vue opérationnel — car que serait un texte dont aucune instance ne pourrait vérifier la bonne application ? — qu'a été créée une institution chargée de vérifier la conformité des futures lois à la Constitution, dénommée «Cour constitutionnelle», régie par les articles 118 à 124 du texte suprême, formant le titre II du chapitre V de la Constitution, consacré au «Pouvoir judiciaire».
L'article 124 de la Constitution laisse ensuite le soin au législateur de décider de l'organisation de la future Cour constitutionnelle, des procédures applicables devant elle, ainsi que des garanties reconnues à ses membres
Il convient de saluer la création de cette Cour constitutionnelle, qui tranche nettement avec l'ancien Conseil constitutionnel, dont les compétences facultatives et le rôle consultatif avaient entravé la mission régulatrice qu'il aurait pu jouer et qu'il a malgré tout tenté de remplir, car les décisions motivées de la Cour constitutionnelle, adoptées à la majorité absolue de ses membres, sont appelées à être publiées au Journal officiel et «s'imposent à tous les pouvoirs» (article 121 de la Constitution).
Toutefois, tant que les nouveaux corps de l'Etat ne sont pas encore en place, et en attendant l'entrée en fonctions de la première Cour constitutionnelle du pays, tributaire des premières élections présidentielle et législatives «organisées au plus tôt quatre (4) mois après la mise en place de l'Instance supérieure indépendante des élections et dans tous les cas avant la fin de l'année 2014»; l'article 148, paragraphe 7 de la nouvelle Constitution a prévu la création, par une loi organique votée par l'ANC, «au cours des trois premiers mois succédant à la promulgation de la Constitution» d'une «Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi» dont les fonctions «prennent fin après l'installation de la Cour constitutionnelle».
Cette «instance provisoire» est composée de trois (3) membres ès qualités (premier président de la Cour de cassation, président-premier président du Tribunal administratif et premier président de la Cour des comptes) et de trois (3) autres membres spécialisés en droit «nommés chacun à égalité entre eux par le président de l'ANC, le président de la République et le chef du gouvernement» et le même article 148 de la Constitution précise qu'aucun tribunal n'est habilité à contrôler la constitutionnalité des lois.
J'ai eu l'immense honneur d'avoir été désignée parmi les trois membres non institutionnels et il s'agit là d'une grande preuve de confiance que j'espère mériter. Ainsi, pour ne pas faillir à ce devoir national, j'ai accepté cette responsabilité sans hésitation aucune dès que j'ai été sollicitée à cet effet, et ce, afin de servir mon pays en contribuant, au sein d'une équipe formée de spécialistes chevronnés, à vérifier la conformité à la Norme Suprême de tous les projets de loi qui seraient soumis à l'examen impartial de l'Instance, à compter de sa mise en place jusqu'à sa disparition annoncée.
Toutefois, mon engagement demeure lui aussi lucide et impartial et, avant même d'entamer l'accomplissement de mes fonctions au sein de l'équipe, ma plume d'universitaire se doit d'apporter quelques éclaircissements sur la loi organique n° 2014-13 du 18 avril 2014 relative à l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois .
Ainsi, elle a été chargée de contrôler la constitutionnalité des projets de loi «sur demande du président de la République, du chef du gouvernement ou d'au moins trente (30) députés» (art. 3 de la loi organique n° 2014-13 du 18 avril 2014), ce qui est en tous points conforme aux dispositions de l'article 120, al. 2 de la Constitution.
On constate que le texte semble avoir omis — volontairement ? — de définir les champs de compétence obligatoires de l'Instance provisoire, sans doute du fait de son caractère temporaire, mais un tel « oubli » risque de se révéler problématique !
En effet, il est possible que cette Instance soit amenée à coexister avec la future Assemblée des représentants du peuple, qui adopterait ainsi un règlement intérieur dont la conformité à la Constitution ne serait pas vérifiée ?
Il est également possible que la Tunisie soit amenée à signer des traités au cours de la durée d'existence de l'Instance et la question de leur conformité au texte fondamental ne se poserait pas non plus.
Une initiative de révision de la Constitution peut aussi voir le jour puisqu'aucune disposition du texte suprême ne fixe de délai d'intangibilité et, là aussi, la compétence de l'Instance provisoire n'a pas été prévue par la loi organique n° 2014-13 du 18 avril 2014.
Ces exclusions, peut-être motivées par une certaine «défiance» du législateur à l'égard de l'«Instance provisoire» apparaissent pour le moins discutables, surtout si l'on revient au texte fondateur de ladite Instance, à savoir l'article 148 de la Constitution elle-même, qui ne limite pas ses compétences à «certains» domaines, mais évoque tous les «projets de loi». Dans cet esprit, l'absence de détermination s'interprète dans le sens de la généralité et ce qui n'est pas exclu par le texte est alors forcément inclus, à savoir les projets de lois constitutionnelles (révision de la Constitution par exemple), les projets de lois ordinaires et les projets de lois organiques, y compris celles portant ratification de traités !
Pour une plus grande clarté, le législateur aurait pu reprendre la formulation de l'article 120 de la Constitution et accorder à l'Instance provisoire les mêmes compétences que celles de la future Cour constitutionnelle, d'autant plus que la première formation de cette dernière met d'office un terme aux missions de l'Instance provisoire et qu'il ne risque pas d'y avoir de chevauchements ou de conflits de compétences entre les deux institutions !
Par ailleurs, concernant les membres désignés par les pouvoirs constituants (président de l'ANC, président de la République et chef du gouvernement), l'article 5 de la loi organique n°2014-13 du 18 avril 2014 a exigé qu'ils aient «au moins vingt (20) ans d'expérience et dotés des qualités de compétence, d'indépendance et de neutralité», ce qui est tout à fait conforme à l'article 118 de la Constitution et aux critères exigés pour accéder à la Haute fonction publique.
En revanche, s'ensuit une liste d'incapacités qui semble davantage avoir été dictée aux députés par des calculs politico-politiciens que par la volonté de désigner des membres intègres, puisque le premier alinéa de l'article 5 de la loi n° 2014-13 était largement suffisant à cet effet.
Ainsi, les alinéas suivants de l'article 5 de la loi n° 2014-13 du 18 avril 2014 disposent que les 3 membres désignés à l'Instance provisoire en raison de leur spécialité ne sauraient :
faire partie du gouvernement en exercice à la date de leur nomination;
faire partie de l'ANC ou de l'Assemblée des représentants du peuple;
avoir occupé une responsabilité partisane au cours des cinq (5) années ayant précédé leur désignation;
avoir fait partie d'un gouvernement antérieur au 14 janvier 2011, de l'ancienne Chambre des députés, de l'ancienne Chambre des conseillers ou de l'ancien Conseil constitutionnel;
avoir occupé des responsabilités au sein du parti du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) dissous.
Ces exclusions se justifient-elles dans le contexte de la transition démocratique que nous vivons ? N'oublions pas que nous abordons également une période de «réconciliation nationale», car même si l'ancien parti dominant a laissé un très mauvais souvenir dans nos esprits, un processus de justice transitionnelle a été mis en place et doit suivre son cours.
Il n'était peut-être pas nécessaire d'inscrire dans le texte fondateur d'une instance chargée de contrôler la constitutionnalité des projets de lois — aussi provisoire soit-elle — des exclusions portant atteinte à l'égalité de tous devant la loi.
En effet, l'exclusion de certaines personnes ne peut se faire que sur la base des critères objectifs de la compétence, de l'autonomie et de l'intégrité à toute épreuve. Toute exclusion motivée par d'autres considérations laisse planer un doute quant à sa conformité à notre nouveau texte fondateur qui proclame dans son article 21 que «Les citoyens et citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination» !
S'il existe une «crainte» dans l'esprit du législateur, elle semble être politique plutôt que technique et ne repose pas sur des fondements objectifs. Par exemple, l'ancien Conseil constitutionnel — pour ne citer que cet organe technique — incluait en son sein plusieurs fonctionnaires honnêtes qui ne semblent pas avoir validé de «lois scélérates», du moins d'après les avis publiés au Journal officiel depuis 2004 en la matière !
Ainsi, tant que la culpabilité d'un individu en termes d'assassinat, de torture, corruption, vol, viol, détournement de biens et/ou de deniers publics, etc., n'a pas été prouvée, il ne saurait être banni d'une fonction déjà réservée à des «spécialistes en droit ayant au moins 20 ans d'expérience et dotés des qualités de compétence, d'indépendance et de neutralité», critères qui excluent d'office et sans qu'il soit besoin de le préciser, tout «prétendant» non conforme !
En outre, la possibilité accordée à quatre membres de l'Instance provisoire (dont deux ès qualités) par l'article 12 de la loi n° 2014-13, de révoquer l'un d'entre eux sur la base d'un soupçon de défaillance à ses obligations, comme par exemple une rupture de confidentialité, pose une épée de Damoclès sur l'ensemble de la structure, du fait que nous vivons au sein d'une société «ouverte» où les informations circulent pratiquement plus vite que la pensée !
Enfin, last but not least, l'article 6 de la loi n° 2014-13 du 18 avril 2014 dispose que «Le président ainsi que les membres de l'Instance provisoire ne sauraient être président ou membres de la Cour constitutionnelle» : ainsi, les membres qui accepteraient de siéger au sein de ladite «Instance provisoire» et d'accomplir tout ce qui est exigé d'eux en prêtant serment de loyauté, de probité et d'allégeance à la Constitution, seraient privés ad vitam aeternam de faire partie de la future Cour constitutionnelle, dont le mandat est en tout état de cause limité à neuf (9) années par la Constitution elle-même et dont la mise en place met automatiquement fin à l'existence même de l'Instance provisoire !
De quoi avons-nous peur, cher législateur constituant ? Que ces six membres ès qualités ou désignés ne «s'incrustent» dans la future Cour constitutionnelle composée de douze membres désignés par les pouvoirs publics en place à ce moment-là conformément aux dispositions de l'article 118 de la Constitution ?
Mais comment le pourraient-ils puisqu'ils doivent dans tous les cas de figure être « désignés » et non élus, seule possibilité qui aurait peut-être justifié la crainte qu'ils ne fassent « campagne » pendant leur mandat «provisoire» ?
Et quand bien même l'interdiction serait limitée à une certaine durée, en quoi cela se justifierait-il ?
Cela constituerait de toute façon un procès d'intention à l'égard des membres de l'Instance provisoire, dont les compétences techniques, la loyauté envers le pays et la neutralité partisane seraient ainsi « récompensées » par une éviction dès la mise en place de la véritable instance « non provisoire » de contrôle de la constitutionnalité des lois !
Une telle exclusion «future» — absolue ou limitée — est contraire aussi bien aux principes les plus élémentaires d'égalité de tous devant la loi qu'à ceux d'un «procès équitable», fût-il d'intention ; principes pourtant fermement consacrés par notre nouvelle Constitution !
Les réponses sont politiques et la présence de ces quelques éléments dans la loi n° 2014-13 du 18 avril 2014 relative à l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois est pour le moins sujette à caution. Ils entachent paradoxalement le texte fondateur de cet organe d'un soupçon de non-conformité au texte fondamental !
Ironie du sort pour une instance chargée par la Constitution elle-même de contrôler la constitutionnalité des projets de loi en attendant la mise en place de la Cour constitutionnelle !
Peut-être, chers députés constituants, serait-il pertinent de revoir le texte, car à mon humble avis d'universitaire, il en va de la crédibilité de l'Instance provisoire et du respect de notre texte suprême.
Quoi qu'il en soit, ces quelques remarques ne remettent pas en cause l'importance du rôle qu'est appelée à jouer l'Instance provisoire en matière de contrôle de la constitutionnalité des projets de lois et même si elle n'a pas pu examiner la conformité à la Constitution de son propre texte fondateur, de nombreuses autres normes seront sans nul doute soumises à son jugement impartial et j'ose espérer que la mission ardue qui m'a été impartie et que j'ai accepté d'exercer en compagnie des cinq autres membres, contribuera à faire respecter à l'avenir la Norme Suprême du pays.
*Professeure de droit public à la Fsjps
Ndlr : En tant qu'universitaire, j'avais d'ailleurs été sollicitée à l'époque, en compagnie de quelques autres professeurs, pour donner mon avis sur le projet de Constitution et n'avais pas manqué de résumer mes interventions dans le cadre d'un article co-publié avec un autre professeur (voir La Presse des 13 et 14 mai 2013).
Publiée au Journal Officiel n° 32 du 22 avril 2014 et ses membres désignés par arrêté républicain n° 89-2014 du 22 avril 2014, publié au Journal Officiel n° 33 du 25 avril 2014 (JORT n° 32 du 18 avril 2014) et (JORT n° 33 du 25 avril 2014).


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