Quelque 200 mille réservations ont été annulées jusqu'au 9 juillet 2015, à la suite de l'attentat terroriste ayant ciblé des touristes dans un hôtel de la station balnéaire de Sousse, le 26 juin 2015, a fait savoir Mohamed Ali Toumi, président de la Fédération tunisienne des agences de voyages (Ftav). L'attaque a certainement frappé de plein fouet le secteur touristique, grand pourvoyeur de devises pour le pays (3000 MD en 2014) et suscité colère et appréhension chez les Tunisiens, mais beaucoup de ces derniers ont déclaré, dans des témoignages accordés à l'agence TAP, qu'ils ne changeront pas de mode de vie et qu'ils passeront leurs vacances dans les hôtels du pays. C'est pour certains d'entre eux une réplique et un défi au terrorisme et aussi le minimum qu'on puisse faire pour venir à la rescousse du tourisme tunisien dans cette conjoncture très difficile. Le secteur, dominé par l'activité balnéaire (80%), contribue à 7% au PIB et fournit près de 470 mille emplois directs et indirects (14% de la population active). Fatma, une Tunisienne résidant à Paris depuis 2008, qui rentre chaque été en Tunisie pour au moins 5 semaines, est habituée à passer une partie de son séjour dans des hôtels tunisiens. «Notre destination est généralement Hammamet ou Djerba, où nous logeons dans des hôtels de luxe réputés pour leur qualité de service», a déclaré cette jeune maman de 28 ans, actuellement en congé parental. Un bilan très lourd Cet été, Fatma envisage, malgré tout, de passer 10 jours dans des hôtels à Monastir et Hammamet, dès son arrivée le 13 juillet en Tunisie. «C'est vrai que nous avons un peu peur, mais pas au point d'annuler notre séjour. Il ne faut pas laisser la chance aux terroristes de gagner, il faut rester unis pour notre belle Tunisie», s'est enthousiasmée la jeune femme. L'attentat de Sousse a fait 38 morts parmi les touristes, dont la plupart sont des Britanniques (30) en plus de trois Irlandais, deux Allemands, un Portugais, un Belge et un Russe. C'est un bilan très lourd pour un marché d'une importance majeure pour la Tunisie, celui de la Grande-Bretagne. En 2014, près de 425 mille touristes britanniques avaient visité la Tunisie. Par rapport à 2010, ce nombre a augmenté de 20%. Un autre Tunisien qui vit en France depuis 2007, Zied, 33 ans, ingénieur d'études (IGE), est habitué, lui aussi, à rentrer en Tunisie chaque année. «Cet été, ma femme et moi, n'avons pas prévu, au début, un séjour dans les hôtels. Après l'attaque de Sousse, nous avons décidé de passer au moins un court séjour dans un hôtel», a-t-il déclaré à l'agence TAP. Sa femme, Sabra, est journaliste. C'est elle qui a eu l'idée de loger dans un hôtel en Tunisie». Je veux revenir et vivre comme beaucoup de Tunisiens pour sentir ce qu'ils ont ressenti durant cette rude épreuve. Je n'ai pas peur et compte sortir et aller dans les restaurants et les lieux de loisirs, si cela aide un peu notre économie», a-t-elle affirmé. Selon le président de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), Radhouane Ben Salah, les recettes en devises du secteur touristique estimées à 3.000 MD en 2014 devront baisser de 1.000 MD ou plus après l'attentat de Sousse. L'agence de notation «Fitch Ratings» prévoit une baisse de la croissance en Tunisie à 1,9% en 2015, à la suite de l'attaque terroriste de Sousse (26 juin 2015) contre 2,3% en 2014. Arrivée en Tunisie il y a quelque temps, Mouna, 29 ans, professeur de sport installée au Koweït depuis 4 ans, n'est pas prête à changer son mode de vie, étant convaincue que «tout ce qui doit arriver arrivera, quels que soient vos efforts pour l'éviter». Qualité des services Mouna, qui passe chaque année deux mois de vacances avec sa famille, est pourtant déçue de la qualité des services dans les espaces publics. C'est le même reproche que fait Amir aux hôtels et aux hôteliers en Tunisie. Ce banquier de 35 ans a décidé de ne plus aller dans les hôtels tunisiens pour ses vacances, car il n'a pas été convenablement accueilli dans un hôtel avec sa femme, à l'occasion de leur voyage de noces. «C'était un hôtel 4 étoiles, mais ses services étaient pour nous une catastrophe, depuis la réception jusqu'à la chambre. Et surtout, ils ne nous traitent pas comme ils traitent les touristes», a-t-il lancé, révolté. «Je préfère aller dans un hôtel 3 étoiles ou même un appart-hôtel à l'étranger, ou les services sont de loin meilleurs que ceux des hôtels 5 étoiles en Tunisie», a déclaré malheureusement le jeune homme. Le président de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie prévoit une évolution de 15,5% de la part des nuitées des Tunisiens dans les hôtels en 2015, contre 14,8% en 2014. Les hôteliers ont adopté une réduction de 30% au profit des Tunisiens. Réduction ou pas, Imen, 38 ans, gérante d'une pâtisserie et mère de 2 enfants, n'a pas l'intention d'aller dans les hôtels cet été. Pourtant, ses enfants avaient l'habitude d'y passer de bons moments et attendaient impatiemment les vacances pour aller à Hammamet. «C'est difficile de les convaincre, mais franchement j'ai peur pour eux, même si je suis convaincue qu'avoir peur n'empêche pas les choses d'arriver, je préfère rester vigilante et trouver d'autres alternatives pour leur détente, avant une nouvelle rentrée scolaire», a lâché la jeune femme d'un air indécis.