On a vécu ce spectacle de Jaziri comme une cérémonie religieuse, un refuge, une échappatoire pour un monde meilleur et une élévation vers la spiritualité. Bravo les artistes. Le public du théâtre de Hammamet était bien nombreux mercredi dernier. C'était la «Hadhra» dans toute sa splendeur dans sa toute dernière version hautement modernisée. L'avant-veille de la fête de l'Aïd. La troupe de Fadhel Jaziri a épaté l'assistance pendant trois heures avec des titres soufis, liturgiques et religieux. On baignait dans une bulle hautement spirituelle. Le public avait eu droit à des scènes et des tableaux de danse de toutes les couleurs, des danses des zaouias revisitant tout un patrimoine musical bien ancestral. En effet, notre concepteur d'El Hadhra a présenté cette dernière version qui comportait plus d'une vingtaine de morceaux interprétés par un chœur et des solistes. D'ailleurs, la troupe, une fois bien installée au milieu de la scène, on commence illico, «bendir» à la main, dans une chorégraphie harmonieuse, on chantait d'une seule voix des titres phares du patrimoine tunisien et on dansait en groupe ou en duo sur des rythmes déchaînés qui célèbrent les qualités morales du Prophète Mohammed. Côté décor, l'ambiance était magique : la scène s'illumine de mille feux, on sentait le parfum de l'encens qui embaumait l'air. Dans une partie de la scène, il y avait un flûtiste, un bassiste, un guitariste et un violoniste en plus des instruments à vent, à cordes et à percussion, créant un très beau mélange de sonorités et de nouvelles rythmiques pour une hadhra dans sa troisième version, encore plus moderne et toujours aussi novatrice. Disons-le, une immense communion s'est vite installée dès les premières notes et le public, fasciné, n'a pas pu résister aux rythmes dansants, on se mettait de suite à se déhancher sur des airs et chants liturgiques, des prières et des invocations comme dans «Ya Mohammed», «Ya raies labhar», «Ya sakina Mannouba» et beaucoup d'autres. L'ensemble chantait les louanges de Dieu, dans des scènes de danse afro-tunisienne : des corps en mouvements rapides, des chevelures qui flottaient dans le vent. C'est une vraie recherche musicale dans les profondeurs des chants et danses soufis en leur ajoutant une touche de modernité. Dans l'exécution des danses de certains morceaux, on assistait à des tableaux de danse de couples, avec des corps en mouvement, mettant l'accent sur l'expression corporelle, sur la force, la rébellion... On a eu droit à une belle surprise, la version rock d'un titre liturgique avec une exécution sans faille qui a séduit le public qui, sous le charme, a longtemps applaudi les exécutants. Le public qui passait un agréable moment a suivi jusqu'à une heure tardive cette cérémonie religieuse et métaphysique qui a enchanté leurs sens avec des airs comme «Ellil Zahi», «Sidi Ben Issa», «Ya Belhsan ya Chadly», «Ya fares Baghdad» avec la lumineuse participation du grand Hédi Donia. Mysticisme et nostalgie qui se mélangent, tradition et modernisme qui se confondent, on a vécu ce spectacle de Jaziri comme une cérémonie religieuse, un refuge, une échappatoire vers un monde meilleur et une élévation vers la spiritualité. Bravo les artistes.