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Demain, célébration de la procession de la "Madone de Trapani": Tunisie, terre de paix et de dialogue
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 08 - 2019

Musulmans, chrétiens et juifs pour le 15 août à la Goulette autour de la « Madone de Trapani ».
Qui a dit que la religion ne peut agir comme un élément culturel et d'union entre différentes communautés ?
La ville de la Goulette, ou « Goletta » selon la prononciation des Italiens de Tunisie, elle a été et reste à mes yeux une ville assez spéciale, un carrefour de civilisations, langues, cultures et religions. C'est vrai qu'on est bien loin numériquement de la présence des communautés « non autochtones » par rapport à la période du protectorat français en Tunisie, mais la Goulette, reste la Goulette et l'acceptation de l'autre, se manifeste entre les gens avec un esprit de tolérance, voire de sympathie réciproque.
Il faut savoir que trois grandes communautés se côtoyaient à la Goulette au début du XX siècle, et que cette ville côtière représentait le point névralgique et l'anneau de la « chaîne des pèlerinages ». En effet, la population musulmane, longtemps minoritaire, disposait pour prier en commun, de la mosquée au-delà de l'ancien canal, disparue sous les bombardements aériens de 42-43. La ville de la Goulette a toujours été un lieu de pèlerinage annuel au début de septembre aux tombeaux de Sedet Chérif , moines guerriers morts en combattant pour la foi, et enterrés, l'un à la zaouia voisine de l'ancien palais beylical, l'autre au centre même de la forteresse. Cette pieuse manifestation suivait chronologiquement celle de Sidi Fathallah, à Tunis, et précèdait immédiatement celle de Sidi-Bou-Said et de Sidi Salah à la Marsa.
A La Goulette, les fidèles musulmans, du cru ou venus de loin n'étaient pas les seuls à commémorer les pieux anniversaires. Ce jour-là, les rudes marins génois avaient coutumes de chômer, de s'endimancher et d'apprêter le long des quais d'énormes marmites chauffées au bois, pour une gigantesque « maccheronata », suivie de tranches de pastèque, le tout dégusté fraternellement avec les pèlerins musulmans.
L'Israélite, en général, n'était assidu au culte rendu en commun à la synagogue que les jours austères, de la « Tête-de-l'an » au Grand-Pardon. Quant à la famille entière, elle débordait de joie lorsqu'il s'agissait de dresser et d'orner la « soukka »ou cabane en mémoire du séjour des hébreux dans le désert. C'était un prétexte excellent, et d'ailleurs justifié pour prolonger les vacances estivales. Le juif goulettois ne négligeait généralement point l'oraison quotidienne individuelle. Mais lorsqu'il faisait trop chaud à l'intérieur de son habitation, il priait dehors, sur le seuil de sa porte. A tous ceux qui pouvaient le voir, il prouvait sa scrupuleuse dévotion en revêtant le taleth et les phylactères, en se dodelinant et se prosternant la face obstinément tournée contre le mur, sans rien perdre pour autant de ce qui se passait autour de lui.
Les catholiques de La Goulette, comme d'ailleurs les juifs, ont encore leur lieu de culte.
L'une des cinq églises, que la prélature de Tunis a conservé en 1964, sur les 78 paroisses qui comportait l'Archidiocèse de Carthage. Le culte catholique, a toujours été célébré à la Goulette, d'une façon régulière depuis 1769. En 1836, le Père Pianelli, pour servir aux offices, construit une modeste baraque en bois. La première pierre de l'église de la Goulette, fut posée le 19 mai 1848, sur un terrain assez grand à l'intérieur de la ville, offert par Ahmed Bey, grâce à l'impulsion du nouveau desservant, Vincent de Costecciaro. Après le départ des Capucins en 1888, l'église fut confiée à l'administration des séculiers, parmi lesquels l'abbé Leynaud, devenu dans la suite curé de Sousse, puis Archevêque d'Alger, avant d'être révolu à des augustiniens d'origine maltaise. Le temple, dédié au départ à Saint Fidèle, patron de Monseigneur Sutter, vicaire apostolique de Tunis de 1845 à 1883, a présenté deux particularités : d'une part, la série cote à cote de trois chapelles consacrées à Notre dame de Lourdes, à Notre Dame du Mont Carmel et à Notre Dame de Trapani, et ce, afin de laisser le choix aux dévotes français, maltais et italiens, de s'agenouiller devant la Vierge de leur nationalité.

Le quartier de la Petite Sicile, naît donc autour de l'église de la « Madonna de Trapani », fêtée par les trapanais le 15 août. Protectrice de la ville de Trapani, la madone fait sa sortie annuelle en procession traversant les rues de la ville.
Selon les archives de la paroisse, le 15 août 1909, se déroule la procession de Notre Dame de Trapani, l'une des plus grandioses de l'histoire de la Goulette. Toujours selon ces archives consultés, la madone sortait de l'église traversant les rues de la Goulette jusqu'à Tunis accompagnée par une bande musicale. La journée se termina avec des jeux d'artifices et un concert sur la place principale de la Goulette, Ahmed Bey. Voilà comment le père blanc François Dornier, décrit cette procession : « La procession de N.D. de Trapani, à la Goulette, n'est pas une procession où l'on marche en rangs, chantant des cantiques où récitant le chapelet. La Vierge est sur un brancard porté par une douzaine d'homme qui se relaient et tout autour de la Vierge, une foule bigarrée est là, voulant toucher la statue, qui avec un mouchoir, qui de la main . C'était la manifestation de sympathie interconfessionnelle des familles musulmanes et juives, le matin, faisaient porter des cierges à l'église, et de ces femmes non chrétiennes s'habillant de neuf ce jour-là et saluant la madone au passage, par des joyeux you-you ».
Ce même rite est pratiqué encore de nos jours à Trapani, en Sicile, où des hommes et des femmes passent un mouchoir sur la statue de la vierge. Ce mouchoir sera ensuite donné à un malade afin qu'il guérisse. La seule mais fondamentale différence entre la procession de Trapani et celle de la Goulette est le mélange interconfessionnel. François Dornier, écrit : « A cette foule se mêle des musulmanes voilées, des juifs pratiquants, venus eux aussi prier la « Madonna ». Certaines personnes suivent cette procession pieds nus, pour accomplir un vœu, d'autres allant pieds nus de Tunis à la Goulette… Le soir, aux heures creuses, autour de 20H30, les prostituées des quartiers réservés, accompagnées de leurs souteneurs, viennent également accomplir le rite dit de la « Madeleine » se prosternant aux pieds de la croix… ».
Mais les Français ne voyaient pas du tout de bon œil cette grande fête « italienne » et pour affirmer leur suprématie sur les Italiens, aussi sur le domaine de la foi, le 8 mai 1910, Jeanne D'Arc sera élue patronne de la Goulette.
A cette foi chrétienne se mélangeaient des traces païennes. En effet, aux rites religieux se côtoyaient aussi des traditions qui n'avaient rien à voir avec la religion.
C'était lors des décès, quand on avait affaire avec la « location » des « pleureuses » , louées pour pleurer le mort. Cette tradition d'origine grecque, a aussi existé à Trapani. En effet, les « prefiche », font leur apparition à Trapani au XVIII siècle pour disparaître seulement vers la fin du XX. « A la Goulette, outre les femmes qui faisaient la toilette des morts, on trouvait parfois un groupe de pleureuses chrétiennes et musulmanes, un peu comme dans les tragédies grecques, qui, entre deux conversations, poussaient leurs cris dès qu'un nouveau venu ou le prêtre entrait pour une visite ou une prière. Des scènes d'hystérie avaient souvent lieu : femmes en transes jusqu'à l'évanouissement, vieilles femmes s'accrochant au cercueil pour empêcher les porteurs de l'emporter ». (Dornier)
Relisant l'histoire, on peut dire que tout cela a disparu mais certainement pas pour une question d'intolérance. La diminution drastique des communautés non musulmanes en Tunisie, parties en masse au lendemain de l'indépendance, en est pour quelque chose… Mais la fête du 15 août à la Goulette, en honneur de la madone de Trapani , elle est toujours là, animant des esprits que par curiosité ou par foi se rendent devant l'église pour assister à la cérémonie.
La Tunisie reste malgré tout, un îlot de tolérance, dans un monde abruti par la haine et par la peur du « divers ». Aujourd'hui, la Tunisie est en train d'enseigner aux « grands » ce que vivre ensemble veut dire.


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