Leïla Hamrouni : « Les droits de l'Homme, tant de fois cités, n'auront aucun sens si le premier d'entre eux est frappé : le droit à la vie » Après des mois de travaux et deux attentats macabres ayant ciblé des touristes étrangers, le projet de loi de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent a atterri, hier enfin, à l'hémicycle pour être discuté et voté. Dehors, le dispositif de sécurité est, cette fois, exceptionnel, de peur d'actes de représailles de groupes « takfiristes ». Depuis l'attentat du musée du Bardo, en mars dernier déjà, la pression de l'opinion publique pesait sur les parlementaires, à qui on demandait de voter au plus vite la loi, « pour en finir avec le terrorisme » qui gangrène une partie de la jeunesse et freine une économie qui boîte. Députés et autres observateurs ont beau expliquer que la loi antiterroriste de 2003 est encore en vigueur, rien n'y fait. A l'ouverture de la séance plénière pour la discussion générale du projet, l'ensemble des groupes parlementaires étaient unanimes quant à l'orientation du texte qui viendra renforcer la lutte contre un phénomène, apparu subitement dans le pays comme une tumeur dans un corps sain en apparence. Le député d'Ennahdha, Sahbi Atig, s'est d'ailleurs livré à un plaidoyer en faveur d'un « islam modéré dispensé dans les écoles et les mosquées ». Selon lui, le terrorisme est en fait le résultat d'un « vide comblé par les discours extrémistes ». « L'islam, dit-il, doit être considéré comme l'un des éléments de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme. La fermeture des mosquée nourrit le terrorisme ». Libertés et efficacité L'unanimité, en revanche, est toute relative, s'agissant de certaines dispositions inscrites dans le projet de loi dans sa version présentée par la commission de législation générale. En effet, pour les Nahdhaouis comme pour l'opposition de gauche, la nouvelle loi antiterroriste doit résoudre une équation pas évidente : celle de protéger la nation contre le terrorisme et lui permettre en même temps de jouir des droits de l'Homme. Le frontiste Ammar Amroussia craint un étouffement des mouvements sociaux une fois le texte voté. « Des craintes infondées », selon la députée de Nida Tounès, Leïla Hamrouni pour qui « les droits de l'Homme, tant de fois cités, n'auront aucun sens si le premier d'entre eux est frappé : le droit à la vie ». Plusieurs députés ont également insisté, lors de la séance plénière, sur l'impératif de mettre en place une stratégie globale pour éradiquer le fléau meurtrier du terrorisme. Tarek Bourak (Front populaire) demande notamment que l'on réfléchisse sur la raison qui fait que notre petit pays soit l'un des plus grands exportateurs mondiaux de terrorisme. « Pourquoi est-ce que les régions les moins nanties sont celles qui produisent le plus de jihadistes ? », s'interroge-t-il. Stratégie globale Le socialiste Mehdi Ben Gharbia est catégorique, ce n'est pas cette loi, à elle seule, qui fera disparaître le terrorisme et toutes les idéologies extrémistes. Pour le président de groupe de l'UPL, Mohsen Hassen, cette loi, qui devra être votée dans les jours qui viennent, sera le prélude à un congrès national sur ce thème, organisé en septembre, pour la mise en place d'une stratégie globale de lutte contre le terrorisme. Lors de son intervention, le chef de file de l'UPL a proposé la création d'un centre stratégique chargé, entre autres, d'établir une base de données regroupant toutes les informations sur les personnes ayant un quelconque lien avec le terrorisme.Le centre proposé pourrait, selon Mohsen Hsan, « analyser et répondre aux lettres et publications des groupes terroristes ». Pour sa part, le député socialiste Faiçel Tebbini a demandé à ce que la loi antiterroriste intègre une disposition permettant de lever l'immunité sur les hauts responsables de l'Etat, au cas où ils feraient l'objet d'une enquête de police pour des faits de terrorisme. Même si un consensus semble se dégager sur le fond, plusieurs amendements vont être soumis au vote. Un exercice qui peut prendre du temps. « Je suis confiante, confie la députée Leila Chettaoui, nous arriverons à faire voter le texte avant le 25 juillet ». A noter que plusieurs députés ont exprimé leurs regrets de recevoir le projet de loi un jour seulement avant le démarrage de la discussion en séance plénière. Mohamed Brahmi au parlement Son nom restera à jamais gravé dans la mémoire collective. Ses collègues de l'ANC n'oublieront jamais la grève de la faim qu'il a menée dans le couloir central du parlement pour protester contre l'interpellation de manifestants à Menzel Bouzeyane. Désormais, et à partir du 25 juillet (deuxième anniversaire de son assassinat), ce couloir portera à jamais son nom. Le bureau de l'assemblée a approuvé l'idée et sa veuve Mebarka Aouinia, devenue députée depuis, a donné son accord. K.B.S. Visite londonienne La délégation menée par le président de l'Assemblée Mohamed Ennaceur qui s'est rendue lundi en Grande-Bretagne s'est dite satisfaite du bilan de la visite. La délégation était composée, entre autres, des présidents de groupes et de Zohra Driss, propriétaire de l'hôtel théâtre de l'attentat terroriste de Sousse, avait pour but de présenter des condoléances au nom du parlement pour les victimes britanniques tombées le 26 juin. La visite a été positivement accueillie par le président de la chambre des communes, permettant ainsi « d'ouvrir des horizons de coopération». La partie britannique s'est dite prête à revenir sur sa décision de mettre en garde les ressortissants anglais souhaitant se rendre en Tunisie. Selon la présidence du parlement, une délégation britannique visitera la Tunisie dans les jours qui viennent, afin de tenter de trouver une solution à la disposition prise unilatéralement par les Anglais. K.B.S.