La virtuosité, c'est ce qui a caractérisé la prestation du compositeur et musicien turc, Omar Faruk Tekbilek, qui s'est produit, samedi dernier, sur la scène du festival international de Carthage devant un public nombreux et averti dans l'ensemble. Au fil du concert, les spectateurs découvrent que cet artiste est à lui seul un homme-orchestre non seulement pour sa capacité à diriger sa bande, mais aussi pour son aptitude à jouer, en polyinstrumentiste, de plusieurs instruments à cordes (le Oud, le Saz ou Baglama, soit un luth à manche longue), à vent (le zurna, le nay) et à percussion (Daf et Darbouka). Il joua de tous ses instruments avec brio et panache accompagné de son ensemble orchestral qui maniait guitare, qanun, batterie, orgue et darbouka avec une grande dextérité et une énergie à revendre. Les morceaux s'enchaînaient, Kolaymi, Mystical Garden, Shashkin, Souleyman le magnifique, Tree of patience, Why, Elation et I love you, une romance très prisée par les mélomanes qui étaient en parfaite symbiose avec ces sonorités qui caractérisent la musique turque d'essence traditionnelle fondée sur le maqâm, entre Taksim, Bechref, Samaï et chants, non sans ce zeste de mysticisme dû à l'influence des derviches Mevlevi de l'ordre soufi, «fondé à Konya en Turquie, au 13e siècle, par Jalel Eddine Erroumi». Mais la musique de Tekbilek n'est pas que traditionnelle, elle est aussi moderne inspirée du folk, du jazz, du country, façon world music, ce qui est dû à sa rencontre notamment avec Brian Keane, compositeur américain avec lequel il composa plusieurs titres dont Souleyman le magnifique, Kolaymi, Ayasofia, Beyond the Sky qui nous transporte dans un voyage cosmique à travers la Méditerranée. Un jeu de virtuoses marqué par la technique Les airs se succédaient tantôt lancinants, tantôt fulgurants et électriques, tantôt entraînants, façon jazzy, Omar Faruk Tekbilek ayant joué avec de grands musiciens de jazz dont le trompettiste Don Cherry, le pianiste Karl Berger, le bassiste Bill Laswel, le batteur Peter Erskine et autres. La musique jouée collectivement ou en solo racontait, à sa manière, l'amour, la vie, la mort, la nature, le cosmos, etc. Des solos où l'improvisation est reine parce que représentant le fondement même de la musique turque et arabe aussi, d'ailleurs, tant les influences sont réciproques. Et c'est avec une grande maîtrise que ces solos, au qanun, à l'Oud, à la guitare et à la batterie ont été interprétés exprimant une variété de tons et de rythmes. Le jeu des musiciens est maîtrisé et fluide, marqué par le savoir-faire technique et la virtuosité il suscite plutôt l'admiration que l'émotion et l'ivresse des sentiments. Mais cette émotion, objet du désir, le public l'a notamment ressentie dans I love you, un moment mémorable fort apprécié et applaudi. On aurait aimé que l'artiste turc et ses musiciens nous touchent davantage plutôt que de nous épater avec leur maestria technique. Toutefois, il est certain que Tekbilek et sa bande ont transporté les mélomanes présents à Carthage dans un voyage entre méditation et jubilation... Bref, d'un état d'âme à l'autre, le public pas du tout avare en applaudissements, a dans l'ensemble, pris plaisir à ce voyage musical offert par l'un des artistes de renom du pays de Soliman le magnifique.