Par Raouf SEDDIK Après la Russie, c'est au tour de l'Iran de présenter son plan de paix pour sortir la Syrie de la guerre. La récente tournée du ministre iranien des AE, Mohamed Javad Zarif, lui a permis de rencontrer, mercredi 12 août dernier, le président syrien et, avant cela, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais. On se demande cependant si ce plan aura plus de chance que le précédent. Principal soutien des rebelles, l'Arabie Saoudite avait affiché son désaccord à l'occasion de la visite effectuée dans la capitale russe par le chef de sa diplomatie, Adel El-Joubeïr. Motif : le plan de Moscou prévoit le maintien au pouvoir de Bachar Al-Assad. La formation d'une coalition anti-EI à l'intérieur de laquelle l'Arabie Saoudite se retrouverait dans la position d'alliée avec celui qu'elle n'a eu de cesse de combattre par rebelles interposés était le pari risqué du plan russe. Et il a échoué. Or on sait que l'Iran est sans doute l'allié le plus proche du régime syrien. On voit mal ce pays lâcher le président syrien là où les Russes, plus pragmatiques, n'ont pas fait ce pas. Par conséquent, les monarchies du Golfe risquent fort de camper sur leurs positions. Le plan, en quatre points, présente d'ailleurs d'autres difficultés. Il évoque la mise en place d'un gouvernement d'union nationale, sans préciser quels partis formeraient cette union. Il parle aussi d'élections transparentes, alors que l'organisation de pareilles élections exigerait un retour au calme dont on ne voit pas comment il pourrait être assuré dans l'état actuel des choses. Rappelons que la venue à Damas de Mohamed Navad Zarif a été précédée d'une attaque de roquettes sans précédent... Un message, en quelque sorte, comme n'ont pas manqué de le relever les analystes. Mais est-ce vraiment le propos ? L'accord sur le nucléaire, signé début juillet avec les Etats-Unis, est encore à l'examen au Congrès américain. Il n'est pas tout à fait à l'abri d'un désaveu de la part du camp des Républicains, d'autant que les lobbies juifs s'activent — avec les vifs encouragements de Benjamin Netanyahou — à le discréditer. Aux dernières nouvelles, la situation ne se présente pas mal : l'éventualité d'une majorité contre l'accord au moment du vote n'est pas la plus probable. Toutefois, que l'Iran se présente comme un acteur de paix dans la région est au moins de nature à mettre à mal la théorie du gouvernement israélien. Faire croire à l'opinion américaine que l'Iran est un Etat terroriste à l'heure où le ministre des Affaires étrangères de ce pays s'active dans des pourparlers diplomatiques pour offrir une issue à la crise syrienne, voilà qui relèvera d'une véritable gageure. Voire d'une mission impossible. D'autant que l'Iran, à la faveur de cette initiative diplomatique, a amorcé un réchauffement de ses relations avec l'Arabie Saoudite. Ce qui est d'autant plus remarquable que la coalition dirigée contre les chiites du Yémen — alliés de l'Iran — poursuit ses raids aériens et que l'Arabie Saoudite en représente le pilier. On est loin des envolées belliqueuses d'Ahmadinejad, l'ancien président iranien, à qui il en fallait beaucoup moins pour devenir menaçant. L'Iran de Hassan Rouhani se montre donc capable de beaucoup de retenue quand les circonstances l'exigent. Bref, si le plan de paix iranien a peu de chance d'offrir le dénouement tant attendu à la crise syrienne, il a un mérite très appréciable, pour les Iraniens eux-mêmes. D'abord celui de conforter la forte probabilité d'une validation définitive de l'accord sur le nucléaire, donc d'une levée de l'embargo qui pesait sur eux et d'une normalisation de leurs échanges économiques avec l'extérieur. Ensuite, celui d'inaugurer une période de retour sur la scène diplomatique en tant qu'acteur de paix. Si la réalisation de ce deuxième objectif se confirmait, par-delà l'actuelle période qu'on pourrait appeler de «démonstration», alors, oui, la donne serait profondément bouleversée au Moyen-Orient, et dans le bon sens.