Par Abdelhamid Gmati On ne cesse d'innover dans cette Tunisie post-révolutionnaire. La dernière initiative en date va permettre aux citoyens de voter en ligne les projets de loi soumis à l'Assemblée des représentants du peuple. C'est l'association I Watch (Ana Yakedh) qui le propose en lançant la plateforme vot.it.org. Cette association, créée en mars 2011 par un groupe d'étudiants tunisiens, s'est vouée à la lutte contre la corruption financière et administrative. Avec sa nouvelle plateforme, elle propose de pratiquer la démocratie directe. Ignorons donc la démocratie parlementaire établie par la nouvelle Constitution et oublions les députés, élus démocratiquement lors des législatives de 2014 et dont la raison d'être est, justement, d'étudier et de voter les projets de loi proposés par le président de la République, également élu, et le gouvernement. Voici donc une association qui sort de son rôle et se fixe d'autres objectifs. Elle n'est pas la seule. L'Ugtt, centrale syndicale, qui doit se consacrer à la défense des droits des travailleurs et à leur situation, veut s'ériger en partenaire politique incontournable. Depuis 5 ans, elle veut participer, voire gouverner à la place des gouvernants. Elle a joué un rôle important dans le fameux Dialogue national mais ni plus ni moins que les autres participants. Et elle aurait dû se tenir à cette action exceptionnelle commandée par la conjoncture politique. Mais elle a continué sur sa lancée. Qu'on en juge. Son secrétaire général, Houcine Abassi, vient d'appeler à une approche participative dans les politiques de l'emploi. Il y a quelques semaines, la Centrale syndicale exprimait sa déception « d'avoir été écartée des discussions sur la loi de finances complémentaires de 2015». Le même Houcine Abassi déclarait que « si des mesures urgentes et rassurantes ne sont pas prises à l'égard des régions du Sud tunisien, il y aura un risque d'une montée de la colère ». On sait le calvaire qu'ont dû endurer les élèves du primaire et du secondaire, à la fin de l'année scolaire. Et les mêmes syndicalistes menacent de grèves entravant la prochaine rentrée scolaire si le gouvernement n'accède pas à leurs demandes. C'est qu'à la Centrale, on ne se soucie pas de la situation catastrophique de notre économie qui est en quasi-récession. Par contre, dans un communiqué daté de ce vendredi 28 août, la Centrale déclare qu'elle a déjà pris une position ferme vis-à-vis de la réconciliation nationale basée sur le respect de la Constitution, le consensus, la justice transitionnelle, la garantie de l'équité et de l'égalité et qui permet de démanteler les réseaux de corruption. Il appelle, donc, en référant au retrait de la loi de réconciliation économique sous sa forme actuelle. Ce désir effréné de participer au pouvoir et aux prises de décisions se retrouve chez toute la classe politique et même chez certaines associations de la société civile. Ainsi, les nominations récentes des nouveaux gouverneurs ont suscité nombre de critiques, y compris de la part de certains dirigeants de la coalition au pouvoir. Les partis reprochent au chef du gouvernement «l'absence de concertations au sujet d'un tel remaniement de grande importance et qui touche les régions, sachant que le pays se dirige à petits pas vers les élections municipales à l'horizon 2016 ». Le Front populaire (FP) a estimé, ce jeudi, que cela «s'inscrit dans la logique des promotions partisanes, régionales et personnelles». Et il regrette de ne pas avoir été consulté au sujet de ces nominations qui « pourraient avoir une certaine influence sur les prochaines élections municipales et locales ». Les plus virulents, dans toutes les décisions prises par le gouvernement, sont incontestablement les petits partis. Rejetés par les électeurs, ils veulent gouverner. « Sortis par la porte, ils veulent revenir par la fenêtre », comme le notent certains observateurs. En cause, en particulier, les membres (ou ex-membres) du CPR : les époux Abbou, Daimi, Marzouki, etc. Outre les diverses campagnes orchestrées pour perturber le climat politique, comme celle loufoque du « Winou el petrol ?», et les accusations, voire les insultes contre leurs adversaires politiques, ils multiplient les recours en justice pour des motifs futiles. La dernière plainte est adressée au Tribunal administratif contre le chef du gouvernement, Habib Essid, dénonçant « le décret gouvernemental relatif aux nominations de délégations spéciales pour tous les conseils régionaux ». «La hargne, la rogne et la grogne», dont parlait le Général de Gaulle, se propagent chez nous et concernent tous ceux qui n'ont pas été choisis par les électeurs et n'ont donc aucun mandat pour participer au pouvoir. Qu'on nous cite un seul exemple au monde, où un parti, une centrale, ou une association, qui n'est pas associé au pouvoir, est consulté pour une nomination, un projet de loi, ou une politique gouvernementale prises par ceux qui ont été élus ?