Depuis de nombreuses années, la Tunisie a placé, entre autres priorités, deux secteurs garants du développement et de la dignité de ses citoyens, en l'occurrence ceux de l'enseignement et de la santé. La médecine tunisienne a continuellement progressé et bénéficié de ce choix tant dans la qualité de la formation administrée aux médecins tunisiens que dans les services de santé offerts aux citoyens dans les secteurs public et privé. Une spécialité, en particulier, a connu un essor incontestable. Il s'agit de l'imagerie médicale (radiologie). Les développements techniques enregistrés depuis une trentaine d'années ont fait de cette spécialité médicale une discipline complexe qui joue un rôle central dans le diagnostic et qui participe de plus en plus de façon directe dans le traitement en tant qu'outil thérapeutique. La Tunisie a su, dans cette discipline, occuper une place de premier ordre qui dépasse le cadre national pour rayonner au-delà des frontières. Pour ce faire et malgré des moyens, somme toute, limités comparés aux pays industrialisés, des efforts soutenus ont été consentis sur trois axes principaux. D'abord, la Tunisie s'est dotée d'une réglementation rigoureuse appliquée à différents niveaux pour garantir qualité et sécurité. Aucun centre de radiologie et aucune installation émettant des radiations ionisantes n'entrent en service sans l'autorisation du Centre national de radioprotection qui vérifie la conformité du matériel et veille au respect des normes de sécurité. Ces autorisations sont nommément délivrées à un médecin dont la compétence est reconnue pour l'exploitation de ces équipements. L'acquisition des machines est elle-même soumise, par le ministère de la Santé publique, à des normes strictes qui en garantissent la qualité. On citera, pour exemple, l'interdiction d'importation ou de remise sur le marché d'équipements utilisés. Par ailleurs, le conseil national de l'Ordre des médecins et différents conseil régionaux veillent au respect du code de déontologie médicale et des différents textes de loi qui régissent l'exercice médical, en général, et l'imagerie médicale, en particulier. Ensuite, les plateaux techniques n'ont jamais cessé d'évoluer. En effet, le niveau de formation des spécialistes tunisiens et leur ouverture sur les expériences étrangères, l'exigence de soins de qualité exprimée par le citoyen et la volonté des pouvoirs publics de développer des services de santé de qualité concurrentiels ont créé une dynamique permanente pour l'amélioration et le renouvellement des installations et l'introduction des techniques les plus récentes. Elle touche aussi bien le secteur libéral, où la concurrence participe à la motivation, que le secteur public, et particulièrement les hôpitaux universitaires qui ont vocation d'enseignement et de formation. Les commissions en charge de l'acquisition de matériels au ministère de la Santé publique affichent un niveau d'exigences techniques élevé et s'attachent à garantir le meilleur rapport qualité-prix, adoptant le principe du «mieux disant» plutôt que du «moins disant». Toutes ces dispositions ont eu pour conséquence un plateau technique, dans l'ensemble, de qualité satisfaisante et qui suit de près les avancées technologiques. De plus, la discipline n'est pas non plus en reste en matière de radiologie interventionnelle. De nombreux spécialistes tunisiens des secteurs public et privé pratiquent ces techniques, élargissant les possibilités diagnostiques et proposant des thérapeutiques alternatives aux méthodes conventionnelles, moins invasives, ou complémentaires de celles-ci. Enfin, en matière de formation, les spécialistes en imagerie médicale bénéficient d'une des meilleures, reconnue au-delà des frontières. Et elle ne cesse de se renforcer. Dans ce souci, le cursus de spécialité en imagerie médicale est passé de 4 à 5 ans. Par ailleurs, les différents intervenants — société savante, collège de spécialité, facultés de Médecine et médecins spécialistes universitaires — multiplient les enseignements, séminaires, congrès et autres cycles de formation pour les spécialistes polyvalents. Effort auquel participe un nombre important de spécialistes de libre pratique. Le développement de spécialités dans la discipline a émergé depuis plusieurs années. C'est pourquoi, sous l'égide des facultés de Médecine, des enseignements diplômants dans ces spécialités d'organes, ouverts aux résidents en formation et aux médecins spécialistes, ont, en plus, vu le jour : certificat d'études complémentaires en imagerie ORL et maxillo-faciale coordonné par le service d'imagerie médicale de l'hôpital La Rabta, en sénologie coordonné par le service d'imagerie médicale de l'hôpital Charles-Nicolle, en imagerie cardiovasculaire et thoracique coordonné par le service d'imagerie médicale de l'hôpital Abderrahmane-Mami de l'Ariana, mastères de neuroradiologie coordonnés l'un par le service de neuroradiologie de l'Institut national de neurologie de Tunis et l'autre par le service d'imagerie médicale de l'hôpital Sahloul de Sousse. Ces enseignements font appel à la compétence conjointe des enseignants tunisiens et étrangers, quand cela est permis. Ils sont d'un niveau équivalent aux enseignements administrés en Europe; pour preuve, l'afflux de collègues de pays voisins pour en bénéficier, ce qui fut notamment le cas pour le certificat d'études complémentaires en imagerie ORL et maxillo-faciale. Les enseignants tunisiens sont eux-mêmes sollicités pour participer à des enseignements diplômants à l'étranger, notamment en France, à donner des conférences dans des réunions scientifiques internationales, notamment en Amérique du Nord, et sont honorés de distinctions prestigieuses. Si les avancées et acquis sont rappelés, il n'est nullement questions, ici, de brosser un tableau idyllique de la situation. Nous sommes loin de cultiver l'autosatisfaction et ne manquons pas d'être nous-même critiques vis-à-vis de notre système. Il souffre d'imperfections et d'insuffisances régulièrement signalées et prises en considération par l'autorité de tutelle. Bien sûr, la réglementation à certains égards nécessite des réajustements avec plus de mécanismes de contrôle et de régulation. Le conseil national de l'Ordre des médecins, entre autres opérateurs, en a fait une de ses priorités et a notamment mis en place une commission pour se pencher sur l'exercice libéral de l'imagerie médicale. Celle-ci a soumis ses premières conclusions et propositions au ministère de la Santé publique. Le développement des spécialités d'organes doit se poursuivre et plus de moyens doivent être consacrés à la formation. L'amélioration des équipements ou l'introduction de techniques nouvelles, de même que le renforcement des effectifs, notamment dans le secteur public, restent une préoccupation constante des professionnels et du ministère de tutelle, pour garantir une meilleure offre de soins. Cela ne peut, néanmoins, justifier le dénigrement appuyé sur des appréciations approximatives et les contre-vérités, telles que dans les déclarations récentes d'un ancien chef de service de radiologie. Il est inadmissible de jeter l'anathème sur l'ensemble de la profession, d'accuser d'incompétence des valeurs reconnues de la médecine tunisienne ou encore d'imputer les difficultés de fonctionnement des structures publiques à une sous-utilisation des matériels, alors que les machines fonctionnent 24 heures sur 24 à longueur d'année pour faire face à l'affluence toujours grandissante que connaît le secteur. Il n'est que loyauté et reconnaissance envers les aînés et envers ceux qui poursuivent leur œuvre de prendre la mesure du chemin parcouru et des efforts consentis, tout en sachant que les pouvoirs publics et les professionnels intervenant dans la discipline continuent à travailler dans la concertation pour apporter solutions et ajustements, en parfaite connaissance et reconnaissance des problèmes et en tenant compte des moyens du pays et de ses aspirations. Dr Emna Menif, professeur agrégé à la faculté de Médecine de Tunis, chef du service d'imagerie médicale à l'hôpital La Rabta à Tunis, ancienne vice-présidente au conseil régional de l'Ordre des médecins de Tunis