Par Jawhar CHATTY Madame la directrice générale du FMI, le peuple de cette terre arabo-islamo-afro-méditerranéenne devra, à défaut de vous faire une haie d'honneur, vous remercier vivement, rien que pour avoir voulu le rappeler au souvenir de deux de ses grands hommes : Aboul Kacem Chebbi et Ibn Khaldoun. Le premier a porté à incandescence, tel un fil lumineux, cette volonté du peuple qui force le destin de répondre. Le second a fait de la «cohésion sociale» à la fois le point de force qui légitime le pouvoir des dirigeants et le catalyseur du développement. Ce valeureux legs a incontestablement éclairé et guidé la réussite de notre transition politique. Ce legs semble cependant avoir depuis été remis dans les tiroirs; comme si la transition politique était une fin en soi. Sans doute est-ce le fait de la mémoire courte et souvent distraite de notre classe politique. Sans doute est–ce aussi le fait que nous sommes souvent enclins à nous satisfaire des demi-victoires alors qu'il faut être, comme vous le dites, «en réajustement continu». Pour les jeunes Tunisiens sans emploi, pour les régions dites défavorisées, la révolution tunisienne a aujourd'hui un goût d'inachevé. On reproche à nos gouvernants leur manque d'audace à engager des réformes pourtant impérieuses, ce qui n'est pas tout à fait faux, mais, en face, l'opposition politique est tout sauf une opposition de proposition. Vous nous exhortez aujourd'hui à transformer notre réussite politique en «triomphe économique» en nous gratifiant, qui plus est, d'une certaine flexibilité, souplesse et réactivité. En somme, il ne nous reste désormais plus qu'à aller de nouveau nous ressourcer auprès de Aboul Kacem Chebbi et Ibn Khaldoun. Peut-être serions-nous enfin une «société unie dans la quête du progrès, des opportunités et de la prospérité économiques». «Le Destin va vous répondre», dites-vous. Nous ne nous en doutons guère, mais quand ?!