Par Jawhar CHATTY Après le torrent des déclarations et des petites phrases assassines, après les sentiments de consternation ou d'euphorie jouissive qu'a suscités chez les uns et les autres la dégradation par Standard & Poor's de la note souveraine de la Tunisie, le temps est-il enfin venu pour que gouvernement et opposition rompent avec des pratiques qui s'apparentent à des combats de coqs ?! Des pratiques et des confrontations qui ne servent personne, du moins et certainement pas l'intérêt du pays. Face à cette confrontation, les Tunisiens ne sont pas dupes. Ils savent lire et débusquer les visées politiciennes et électorales des uns et des autres. Pour le moment, ils donnent l'impression de vouloir rester à l'écart de ce petit jeu, d'en tolérer même certains effets pernicieux sur l'économie et sur la société dans son ensemble. Ils semblent avoir délibérément fait le choix de prendre leur mal en patience dans l'espoir que les protagonistes au jeu politicien finissent par se rendre à l'évidence, avant qu'il ne soit trop tard. La patience a en effet des limites. Le pays et le petit peuple ne pourront bientôt plus tolérer les combats de coqs sous prétexte que les politiques et la classe politique font encore leur apprentissage de la démocratie, du pouvoir et du contrepouvoir. Comment, si l'on n'a qu'une idée imprécise, floue, partielle ou erronée de la démocratie et du pouvoir, s'attendre à ce que le discours politique ne soit pas tors, voire retors, lorsqu'il descend au niveau politicien ? Sans doute, mais aussi solide soit -il, cet argument ne peut résister encore longtemps à toute l'acuité de l'attente et de la demande sociales ni aux exigences de l'économie et à l'impératif de la relance. Bientôt personne ne sera plus prêt à subir et à payer les frais d'une période de transition quels qu'en soient les nobles objectifs. Quand, face à une opposition qui pratique l'«oppositionnisme» systématique, le gouvernement se voit et se trouve contraint de monter aussi systématiquement au filet, quand, hélas, les premiers réflexes ont pour noms rejet et dénigrement du mérite même fondé, les voies du consensus, que le pays appelle pourtant de tous ses vœux, risquent d'être bloquées et compromises. Sortir de cette logique d'affrontement gouvernement-opposition, dépassionner les rapports de confrontation afin de recentrer le débat sur les lancinants problèmes de la société et de l'économie, voilà ce qu'attendent foncièrement les Tunisiens. Relever ces défis et réussir cette entreprise sera fort gratifiant pour les uns et pour les autres. Sur la voie de l'apprentissage de la démocratie, ce sera pour l'opposition, pour le gouvernement et pour le pays entier, le premier grand examen réussi depuis les élections du 23 octobre dernier. Les Tunisiens sauront, le moment venu, reconnaître les justes mérites des uns et des autres.