Par M'hamed JAIBI Le dernier bras de fer engagé par l'opposition (ou plutôt les oppositions) à l'encontre, à la fois, des présidents de la République, de l'Assemblée et du gouvernement, a fait craindre le pire pour la stabilité, le climat politique et la sérénité du débat national. L'inattendue initiative du chef de l'Etat a miraculeusement désamorcé la crise et rétabli les ponts. Dédramatiser la crise En recevant Hamma Hammami, ce dernier a clarifié les termes du débat, ramené le désaccord à ses dimensions réelles, dédramatisé la crise, rassuré quant à ses intentions de par son projet de loi et relancé le dialogue. Bien que les manifestations d'hier aient été dirigées contre son propre projet de loi et aient visé à «le contraindre à le retirer», le président Caïd Essebsi a fait valoir sa qualité de président de tous les Tunisiens, de garant du respect de la Constitution et d'arbitre des conflits et désaccords. Mais, au-delà de ce dénouement favorable, il est essentiel de dégager les enseignements de l'inquiétant crescendo qu'a vécu le pays et qui menaçait de remettre en cause les présupposés de la construction démocratique et du vivre-ensemble, à un moment où le pays a grandement besoin de consensus, de paix civile et d'entente sociale. Au-delà des rapports de force Ces enseignements se dégagent indépendamment de la distribution des attitudes vis-à-vis du projet de loi présidentiel, de l'impératif de réconciliation et de la justice transitionnelle. Car il ne s'agit pas, ici, de recenser les «pour» et les «contre» qu'à suscités le projet, ni les rapports de force au sein de l'Assemblée, lesquels auraient permis une adoption très majoritaire, certes après amendement. Premier enseignement, celui dicté par le souci des parties opposées au projet de loi, de voir la réconciliation assortie d'aveux et de sanctions, ne serait-ce que symboliques, devant marquer l'abandon des pratiques illicites qui se sont généralisées sous l'ancien régime et qui ont fini par entraîner sa chute. Garantir l'exercice des libertés constitutionnelles Deuxième enseignement, l'attachement d'un vaste éventail de forces politiques, sociales, associatives et de personnalités de tout bord à la garantie de l'exercice sans conditions des libertés publiques et individuelles affirmées par la révolution et solennellement entérinées par la nouvelle Constitution. A l'image de la position qu'a fini par rendre publique la direction de Nida Tounès et de la présence de ses députés et militants dans la rue, en vue d'appuyer la liberté de manifester, malgré l'état d'urgence et les menaces terroristes. Troisième enseignement, la confirmation du rôle modérateur que peut jouer l'Ugtt lorsqu'elle est impliquée dans les processus de concertation économiques et sociaux. Quatrième enseignement, celui prodigué par Béji Caïd Essebsi, selon lequel il ne faut jamais pousser son avantage acquis jusqu'aux derniers retranchements. Renouer le contact avec l'opposition au moment où la victoire est acquise à l'Assemblée des représentants du peuple est une leçon de démocratie consensuelle à retenir et à diffuser. Car nous avons plus que jamais besoin de voir tous les acteurs publics et toutes les énergies citoyennes se donner la main pour rehausser le pays et le remettre sur les rails du développement concerté et de la prospérité partagée.