- Le Président va se charger de définir les politiques relatives à la Défense, aux relations extérieures et à la sécurité nationale après consultation du Chef du gouvernement - Désaccord persistant sur l'octroi au Président du pouvoir de dissolution du parlement en cas de crise politique ou d'un éclatement total du paysage politique qui empêche la constitution d'une majorité La bataille autour de l'équilibre des pouvoirs entre le Président de la République et le Chef du gouvernement, les deux «deux têtes» du pouvoir exécutif, reprend de plus belle à l'Assemblée nationale constituante (ANC). Réunie pour statuer sur le chapitre relatif aux pouvoirs législatif et exécutif, la commission du consensus autour du projet de Constitution, est parvenue à un compromis sur certaines prérogatives du président de la République. Les accords portent sur les articles 76 et 77. Le premier paragraphe de l'article 76 a été reformulé de la façon suivante: «Le Président de la République représente l'Etat et définit les politiques relatives à la Défense, aux relations extérieures et à la sécurité nationale après consultation du Chef du gouvernement». La précédente formulation de ce paragraphe stipulant que «le président la République définit les politiques relatives à la Défense, aux relations extérieures et à la sécurité nationale en harmonie avec la politique générale de l'Etat» a été ainsi rejetée. D'autant plus que plusieurs partis ont estimé qu'elle limite les prérogatives du président de la République. Les compromis portent en outre sur les compétences du président en matière de nomination et de révocation dans les fonctions supérieures militaires, diplomatiques et de la sécurité nationale (article 77). Les membres de la commission du consensus se sont mis d'accord sur la possibilité pour le président de la République, en concertation avec le chef du gouvernement et le président de l'Assemblée des représentants du peuple, de prendre des mesures exceptionnelles dictées par un péril imminent pouvant porter atteinte à la sécurité et à l'indépendance de l'Etat. «Ces amendements va dans le sens souhaité puisqu'ils favorisent un rapport plus équilibré des pouvoirs entre le président de la République et le chef du gouvernement », s'est félicité le parti la Voie démocratique et sociale (Al Massar). Compétences d'arbitrage Ces compromis ont été trouvés en raison de l'attachement de l'écrasante majorité des partis représentés à l'ANC, dont les élus du Congrès pour la République (CPR) et d'Ettakatol, les deux alliés du mouvement Ennahdha, à l'octroi de pouvoirs réels au Président de la République. Les membres du bloc d'Ennahdha estimant que l'octroi de larges prérogatives au Chef de l'Etat risque d'aboutir à une concentration de la symbolique du pouvoir entre les mains du Président de la République, qui pourrait apparaître de facto comme étant l'homme fort du régime et le vrai maître du pays, se sont retrouvés isolés. Un désaccord persiste, cependant, sur l'octroi au Président du pouvoir de dissolution du parlement dans certains cas bien définis, dont notamment ceux de l'éclatement d'une crise politique consécutive à la perte de la majorité gouvernementale ou d'élections ayant abouti à un éclatement total du paysage politique qui empêche la constitution d'une majorité parlementaire. Ennahdha a refusé catégoriquement cet amendement, ce qui a poussé la commission du consensus à proposer le renvoi de cette question à la commission du processus constitutif formée dans le cadre du dialogue national parrainé par l'UGTT, l'UTICA, l'Ordre des avocats et la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (LTDH). L'opposition, le CPR et Ettakatol souhaitent, par ailleurs, que le président de la République dispose de ce que les spécialistes en droit constitutionnel appellent des «compétences de contrôle et d'arbitrage ». Selon ces partis favorables à un équilibre réel des pouvoirs entre les deux têtes de l'exécutif, le Président de la république devrait avoir le droit d'opposer un droit de veto sur les projets de loi organiques, un mécanisme qui mène au renvoi des projets de loi devant le parlement. Les projets de loi rejetés doivent être, dans ce cas de figure, révisés et adoptés à la majorité qualifiée de deux tiers (2/3) ou à la majorité des 3/5. Conditions de candidature La commission des consensus est, par ailleurs, arrivée à un accord sur la révision des conditions de candidature aux élections présidentielles. L'âge minimum de candidature à la magistrature suprême a été ainsi fixé à 35 ans. La limite d'âge fixé à 75 ans dans le projet de Constitution a été ainsi annulée. De plus, les Tunisiens ayant une double nationalité pourraient désormais briguer la magistrature suprême. Toutefois, il est précisé qu'une fois élu, le candidat binational devra renoncer à sa nationalité étrangère. Les principaux bénéficiaires de ces aménagements réclamés depuis plusieurs mois par une large frange de l'opposition sont les leaders de Nidaâ Tounes, Béji Caïd Essebsi (87 ans), et du Courant Al-Mahabba (ex président de la pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement/Al Aridha Chaâbia), Hachemi El Hamdi. Ce dernier dispose de deux nationalités, une tunisienne et une britannique. Certains observateurs estiment que le mouvement Ennahdha ouvre ainsi la porte à deux de ses probables futurs alliés, allant jusqu'à dire que le parti au pouvoir a conclu des marchés avec Hachemi El Hamdi et Béji Caïd Essebsi. Le leader du courant Al-Mahabba s'est rapproché ces derniers mois avec le mouvement Ennahdha, dont il était membre jusqu'au début des années 90. Le fondateur de Nidaâ Tounes s'est, quant à lui, démarqué au cours de derniers mois des positions des autres formations d'opposition, en se déclarant opposé à la campagne «Erhal» (Dégage) lancée par des formations de gauche pour déboulonner les responsables nommés par le gouvernement dirigé par Ennahdha et en s'opposant à toute tentative d'exclusion d'Ennahdha qui constitue, selon lui, une composante importante du paysage politique