Selon les dernières nouvelles en matière agricole, la Tunisie est le deuxième exportateur au monde d'huile d'olive après l'Espagne. Une nouvelle qui devait réjouir les Tunisiens. D'abord, parce qu'elle est bonne et est disponible en quantité suffisante pour assurer, en principe, l'autosuffisance et encore mieux l'exportation. Or, le prix de vente qui, en principe, devrait baisser, reste toujours à la hausse. Dans un climat économique tendu et difficile, la Tunisie a réussi à s'imposer sur le marché mondial en faisant écouler sa production d'huile d'olive. Toutefois, sur le plan local, le prix d'huile d'olive reste excessif pour le Tunisien de condition moyenne. Sadika, femme au foyer, rencontrée dans le rayon des huiles dans une grande surface, hésite entre une bouteille d'huile d'olive vierge et une autre huile de tournesol. Elle compare les prix. L'huile d'olive est à 8,500 D et l'autre à 5,600 D. Elle décidera en fin de compte de mettre dans son caddy une bouteille de 5 litres d'huile de tournesol. Le tournesol au lieu de l'olive «L'huile d'olive avec ses vertus reste précieuse, donc inabordable. Mon budget ne me permet pas d'acheter un bidon de 5 litres à plus de 30 D. Alors je me rabats sur l'huile de tournesol qui est presque à moitié prix», renchérit-elle. En effet, l'huile d'olive extra-vierge, dont on ne cesse de dénombrer les vertus — à telle enseigne que certains experts en nutrition qualifient d'«or jaune» —, est toujours inaccessible pour le Tunisien moyen. Pour sa part, Saïda achète directement de l'huilerie la quantité d'huile dont elle a besoin toute l'année à 6 D le litre. «C'est une habitude que j'ai héritée de mes parents » confie-t-elle, et d'ajouter qu'elle ne subit pas de la sorte la fluctuation des prix. De nombreux Tunisiens adoptent cette formule. «J'achète une quantité suffisante d'huile de la saison précédente à un prix modéré que je consacre à la cuisson et quelques litres d'huile de la nouvelle récolte pour les salades. Mais je constate que les prix n'ont pas baissé malgré l'augmentation de la production. C'est un peu comme l'essence», fait-elle remarquer. «C'est grâce à la production exceptionnelle d'huile d'olive que la Tunisie a pu réaliser des recettes en devises qui, à leur tour, vont couvrir les dépenses sans cesse croissantes d'importation de produits alimentaires», explique Adnen, économiste. Autrement dit, ce que l'on donne d'une main on le reprend de l'autre. On vend de l'huile d'olive et on achète de l'huile de soja ou d'autres produits alimentaires. C'est la loi du marché avec les préjudices que cela peut causer à tous les niveaux. Les Tunisiens n'en profitent pas La libéralisation à outrance du commerce des produits agricoles a, certes, des conséquences bénéfiques dans l'immédiat, mais soumet le pays à la longue à une dépendance totale. «Nous offrons à des prix défiant toute concurrence nos produits alimentaires dont l'huile d'olive et en contrepartie, nous importons des produits de qualité médiocre, voire transgéniques, que nous écoulons sur notre marché local», explique un agriculteur. La souveraineté alimentaire n'est pas tout à fait réalisée car elle dépend nécessairement des ressources naturelles, comme l'eau et la qualité de la terre qui font parfois défaut. Le développement agricole passe donc par la valorisation de ces ressources. Lorsque dans certaines régions qui pratiquent le séchage des tomates destinées au marché italien, le sel servant à cette opération abîme la terre pour de longues décennies et la rend non cultivable. L'éclaircie de cette année à cause d'une baisse mondiale de production d'huile d'olive est bénéfique, mais peut ne pas être durable. Malheureusement, la surproduction de l'huile d'olive ne profite pas au consommateur tunisien, puisque les prix sont toujours maintenus à la hausse.