Le consensus économique se traduira par des pertes d'intérêts. D'où la difficulté de la transition économique vers un nouveau modèle de développement Bien qu'elle ait permis de dissiper le flou persistant depuis plus de quatre années, la note d'orientation du plan de développement 2016-2020 a réussi à attirer moult critiques. En dépit du fait que cette note ait touché pratiquement tous les aspects permettant la refonte d'un modèle de développement essoufflé et sans avenir, on lui a reproché d'être superficielle et d'empruter les mêmes voies et la même méthode que l'ancien modèle. Ce document, dont la préparation avait commencé depuis quelques mois et a été confrontée à l'expertise des économistes et à l'avis des partis au pouvoir, ambitionne de concevoir un nouveau modèle de développement et d'assurer une transition économique à même de satisfaire aux revendications du soulèvement du 14 janvier 2011. «Cette transition économique sera plus difficile que la transition politique», a lancé l'économiste Abdeljelil Bedoui lors de son exposé à l'occasion de la journée du Ceres, tenue hier à Tunis avec la participation d'économistes, universitaires, députés et représentants du gouvernement. Et M. Bedoui d'expliquer que la transition politique a été limpide et assez pacifique grâce à un certain consensus et à des concessions au niveau des approches et des programmes. «Mais le consensus économique se traduira par des pertes d'intérêts, d'où sa difficulté», note l'universitaire, tout en précisant que la clé de voûte du nouveau modèle tournerait autour d'un seul axe, à savoir le rôle de l'Etat. Quelle orientation? S'agissant d'orientation, les points de vue convergent. Le nouveau modèle sera bâti sur les mêmes principes de l'économie de marché, mais tout en évitant les défaillances de l'ancien modèle de développement. En termes d'objectifs également, tout le monde est d'accord sur la nécessité d'augmenter les revenus par tête d'habitant, de booster l'investissement et d'opter pour une économie inclusive et plus équilibrée entre les régions. Ce sont des objectifs qui tiennent compte du nouveau contexte économique à l'international et qui nécessitent un passage d'un modèle basé sur une main-d'œuvre bon marché vers un système où le gain en productivité génère un meilleur revenu. Comment y parvenir? M. Taoufik Rajhi, conseiller auprès de la présidence du gouvernement, propose une série d'options, dont notamment la mise en œuvre de réformes stratégiques, une politique économique favorisant la création d'emplois et l'amélioration du pouvoir d'achat, un meilleur investissement dans le développement humain et l'évolution vers une administration plus efficace. Ces mêmes solutions, bien que partagées à plus d'un titre, ont été jugées superficielles. D'après M. Abdeljelil Bedoui, le diagnostic était insuffisant car il s'est limité à la description des insuffisances, sans remettre en question les choix les ayant produites et encore moins sur les concepts les ayant générées. «C'est ce qui explique, selon l'expert, la stagnation de la croissance autour de 5% depuis les années 90 et malgré toutes les réformes». Le rôle de l'Etat Afin de parvenir à une meilleure croissance, plus génératrice de valeur ajoutée, de croissance et d'emplois, «il faudra opter pour une économie plus volontariste au niveau de la définition des politiques sectorielles...». A ce niveau, il a été relevé que l'Etat traite les secteurs économiques en bloc, surtout s'agissant d'appui. Or, tous les secteurs d'activité n'ont pas les mêmes besoins. M. Bedoui souligne dans cet ordre d'idées que l'objectif d'augmenter le taux d'intégration de la production locale a été tracé depuis les années 90, mais il n'a jamais été atteint, car il n'y a pas d'objectifs clairs dans la redistribution des revenus. Cela étant, la rencontre a été l'occasion de formuler certaines recommandations susceptibles de surmonter les lacunes de la note d'orientation, entre autres l'option pour une économie dense et non pas pour une économie expansionniste, la restructuration des entreprises publiques, la révision de la politique de partenariat. Cela, outre la nécessité de consolider le principe de neutralité de l'Etat et la lutte contre la corruption.