Le décès suspect de Kaïs Berhouma (36 ans), victime, selon sa famille, de torture policière, suite à son arrestation pour présomption de consommation de stupéfiants, relance le débat sur la torture en Tunisie. Une pratique largement étendue, autrefois, et que l'on croyait révolue. Presque cinq ans après la révolution, certaines pratiques policières datant de l'époque de la dictature ont la peau dure. Se voulant «républicaine», la police tunisienne recourt souvent à la torture. Et les dommages contre les victimes peuvent être, parfois, inévitables. La Ligue tunisienne des droits de l'Homme a dénoncé, dans un communiqué, ces pratiques et a appellé le ministre de l'Intérieur à ouvrir une enquête au sujet de la mort de Kaïs Ben Rhouma. Selon la Ligue, une vingtaine de cas de torture est signalée chaque mois. Nécessité de la présence de l'avocat Selon l'Organisation contre la torture en Tunisie (Octt), il existe différentes catégories de torture, allant de la maltraitance à la violence corporelle, en passant par la violence verbale et psychologique. Existent-ils des procédures à suivre pour arrêter la torture ? Les procédures existent mais ne sont pas observées. En principe, lors de sa garde à vue le prévenu doit être interrogé par le procureur de la République. La présence de l'avocat est indispensable lors de l'interrogatoire, c'est ce que prévoit la Constitution tunisienne. «La torture ne peut être éradiquée que par la présence d'un avocat et d'un médecin», souligne Rafik de la société civile. Il y a donc des dépassements de la part des forces sécuritaires pour arracher des aveux au suspect. Ces forces de sécurité vont jusqu'à porter atteinte à l'intégrité physique de la personne de l'accusé et falsifier ses propos s'il le faut, ce qui est inadmissible. Beaucoup de plaintes et peu de suivi La Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh) affirme que le recours au mauvais traitement persiste aussi dans les prisons. Les autorités reconnaissent l'existence de cas de torture, ces dernières années, mais parlent de «cas isolés». «Je dois dire qu'il y a des résultats plus décevants quand on en vient spécifiquement à la torture, reconnaît Juan E. Mendez, rapporteur des Nations unies sur la question de la torture. « Beaucoup de plaintes ont été déposées parce que les gens n'ont plus peur de porter plainte, mais malheureusement, il y a très peu de suivi de la part des procureurs et des juges», déplore le responsable onusien. Pour sa part, Radhia Nasraoui, présidente de l'Octt, fustige ces mauvais traitements et l'impunité dont bénéficient encore les forces de sécurité. «Cette torture continue en raison de l'impunité, une impunité quasitotale, même après la révolution». La réhabilitation des victimes de la torture n'est pas toujours évidente. Celle-ci laisse des séquelles tant physique, que psychiques. Une réforme tous azimuts du système carcéral pourrait garantir, selon les experts, la dignité des prisonniers. Il s'agit de mettre les moyens nécessaires au niveau du personnel pour qu'il soit à la hauteur d'un pays qui a obtenu le Prix Nobel de la Paix.