Ce qui se passe aujourd'hui à l'ARP est mystérieux, énigmatique. Parfois étrange. A bien des égards, on est dans un environnement d'excès, de dépassement et de dérèglement. Pire que les défaillances et les manquements, c'est la manière avec laquelle les débats sont orchestrés et gérés qui inquiète le plus. Qui rend mal à l'aise dans un contexte de plus en plus défavorable. Beaucoup d'élus ont un profil bien spécifique. Au-delà des attitudes et des prises de position, le plus souvent curieuses et pour le moins dénuées de sens, c'est l'incapacité à échapper aux polémiques et aux altercations répétées et qui mettent en cause les intentions des uns et des autres. Il semble entendu que le minimum d'exigence qui s'y rattache n'est plus respecté, encore moins les éléments de référence tels que la pertinence des interventions, leur utilité, leur timing, notamment quand il s'agit des plénières. C'est à ce titre que l'on s'inquiète aussi bien pour la manière avec laquelle les doléances des citoyens sont transmises et défendues que pour les différentes formes de désordre et de violence verbale qui ne cessent de marquer les débats. Ce sentiment se manifeste particulièrement lorsque des comportements anodins et sans conséquence compromettent les acquis de la révolution et le capital-confiance des électeurs. Cela prend aussi des proportions incompréhensibles lorsque le contexte dans lequel les élus se revendiquent devient explosif. Cette figure typique d'une assemblée fragile et fragilisée finit par devenir une source de pessimisme et de doute. Réagissant violemment aux propos tenus par le député d'Al Karama Seifeddine Makhlouf, qui a pris la défense de l'ancien porte-parole de l'organisation Ansar Charia, Seifeddine Raies, en insistant sur le fait qu'il a été privé sans arguments valables de son droit au travail et de s'inscrire au doctorat, la présidente du PDL, Abir Moussi, a tenu à rappeler que depuis 2013, l'Etat tunisien a officiellement classé Ansar Charia en tant qu'organisation terroriste. Les propos de cette dernière furent interrompus à leur tour par la vice-présidente de l'ARP, Samira Chaouachi, lui signifiant qu'elle n'avait pas le droit de commenter les interventions de ses collègues, ce qui a poussé Abir Moussi à accuser la présidence de l'ARP de « blanchir le terrorisme ». Les choses ne s'arrêtèrent pas cependant là puisque le bureau de l'Assemblée a condamné, lors de sa réunion tenue avant-hier, « toutes les formes de désordre, de violence et d'atteinte à la présidence de la plénière », ainsi que « le comportement de Abir Moussi ». Au moment où la Tunisie mène son combat contre la pandémie, les députés ne réagissent à ce qui se passe dans le pays que sur fond de polémique, d'accusation, de dénonciation et de diffamation. Voilà en définitive un vaste sujet qui ne cesse de traverser les époques et qui s'invite de plus en plus dans la classe politique. Mais le plus contraignant dans cet excès, c'est qu'il y va du petit bourdonnement infondé à la persistance d'une croyance absurde ou encore d'une vérité cachée. Ce qui est aussi étrange, c'est qu'il explique l'inexplicable, justifie l'injustifiable et accrédite l'invérifiable. Un prisme populiste pour qui parvient à s'en servir.